De manière unanime, les pêcheurs artisans belges, anglais, français, néerlandais dénoncent les impacts catastrophiques de la pêche électrique sur le milieu marin. Quels problèmes posent la pêche électrique ?
La pêche électrique consiste à envoyer des décharges dans le sédiment afin de déloger et capturer plus facilement les poissons plats qui y vivent enfouis (notamment la sole qui a une forte valeur marchande). Il s’agit d’une « évolution » d’un type de chaluts de fond, dit « à perche », dont les chaînes gratteuses ont été remplacées par des électrodes.
Les promoteurs du chalut électrique mettent en avant son efficacité énergétique avec des dépenses en carburant divisées par deux par rapport au chalut de fond à perche « conventionnel ». L’engin étant plus léger, son impact moindre sur l’habitat est également promu, par comparaison avec l’un des engins les plus destructeurs en terme d’habitats. Mais quid sur l’écosystème plus généralement de l’impact du courant électrique pour capturer des organismes marins ?
Un chalut électrique. Le « T » métallique à l’avant sert à lester le filet. Les gros câbles noirs sont les électrodes en série, qui envoient un courant électrique dans le sédiment.
Le lobby néerlandais affirme qu’il n’y a aucune preuve que la pêche électrique soit mauvaise pour les écosystèmes marins. La raison est simple : la recherche est produite et financée par ceux qui en font la promotion. En effet, elle est entre les mains de l’Université de Wageningen (Wageningen Marine Research, anciennement IMARES un institut public néerlandais de recherche marine), qui est quasiment la seule à étudier les effets de la pêche électrique. Or, cette recherche est financée par les industriels néerlandais et le Ministère des affaires économiques qui produit lui-même des éléments de promotion de la pêche électrique (voir par exemple le site internet de propagande pulsefishing.eu).
Il n’existe pratiquement pas de quantification de l’impact de la pêche électrique, par exemple sur les poissons électro-sensibles (requins et raies),[1] mais aussi sur les œufs, les juvéniles, le plancton, la physiologie des poisons, la chimie de l’eau etc. Une étude notable de l’IMARES a montré que 50 à 70% des cabillauds de grande taille capturés par les chaluts électriques avaient la colonne vertébrale fracturée.[2] Une autre étude montre que le courant électrique impacte à la fois l’éclosion des œufs et la survie des larves.[3]
Au final, l’unique quantification concerne la consommation de carburant, mais est-ce suffisant pour la considérer comme durable ? NON ! C’est le chant des sirènes : l’hyper efficacité de la pêche électrique permet des gains à court terme mais risque de transformer, à plus longue échéance, l’océan en désert. À terme, elle signe le glas du secteur européen de la pêche. D’ailleurs, la pêche électrique avait déjà été déjà interdite en Europe en 1998 et l’est toujours dans de nombreux pays, y compris la Chine, les États-Unis et le Brésil.
Les pêcheurs artisans en Belgique, au Royaume-Uni, en France et aux Pays-Bas dénoncent unanimement les impacts catastrophiques de la pêche électrique sur le milieu marin. Ils témoignent de la dégradation rapide de leurs zones de pêche et de l’épuisement des ressources halieutiques. Ils dénoncent leur incapacité à maintenir leurs activités face à des industriels qui engrangent des profits records en opérant en dehors du cadre législatif.
L’hyper efficacité et les impacts très violents sur les poissons sont vivement critiqués. La plateforme LIFE des petits pêcheurs artisans européens a publié en septembre 2017 un recueil de témoignages glaçants des ravages environnementaux et sociaux de la pêche électrique.
Les pêcheurs français de Dunkerque ont dû redéployer leurs bateaux à Dieppe en Normandie, afin d’espérer capturer du poisson. Beaucoup d’entre eux ont déjà fait faillite ou envisagent d’arrêter leur activité. Après des années de bataille pour maintenir leurs entreprises, la coopérative de Dunkerque a finalement fermé à l’automne 2020 en raison d’un apport insuffisant en poisson.
Même s’ils ne pouvaient pas prendre la parole publiquement sans craindre des représailles, les pêcheurs belges artisans (dont les licences sont délivrées par les Néerlandais) et récréatifs ont dénoncé cette technique.
L’efficacité de la pêche électrique est ultime. Tellement efficace et meurtrière que tous les stocks seront affectés jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un désert.
Marc Dezutter (patron pêcheur belge)
Les pêcheurs britanniques de la côte Est ont vivement critiqué les industriels néerlandais. Notamment, lors d’une réunion organisée par Seafish à Londres le 16 novembre 2017 à laquelle BLOOM était présente, certaines voix se sont élevés contrela pêche électrique. Cet événement a permis à BLOOM de rencontrer Paul Lines, pêcheur artisan britannique qui a combattu aux côtés de BLOOM pour obtenir l’interdiction de la pêche électrique.
Quand nous pêchons en dehors de la zone des 12 milles nautiques, c’est un désert. Tout est parti, il n’y a même plus de gastéropode. Tout a été anéanti et dépasser 12 milles nautiques est une perte de temps.
Paul Lines, pêcheur à Lowestoft
Voyez ce qui se passe ici : nous n’avons pêché aucun cabillaud ni sole les trois dernières années. Il n’y a plus rien parce que les Néerlandais sont venus dans notre jardin et ont tout pris. Du nord au sud, du sud au nord, toute l’année, ils ont tout détruit. […] Qu’avez-vous fait ces dix dernières années pour arrêter ou même étudier cela ?
June Mummery, directrice de Fish Selling Company à Lowestoft (s’adressant à l’institut de recherche britannique CEFAS)
BLOOM a travaillé en étroite collaboration pour l’interdiction de la pêche électrique avec les pêcheurs artisans et a porté leur parole au Parlement européen. Le film Watt the Fish illustre cette alliance entre l’ONG et les pêcheurs, notamment Paul Lines et Stéphane Pinto.
Bande annonce du documentaire Watt the Fish, un film de Dorian Hays et Emerick Missud. Une coproduction InFocus Prod, Gump, Echo Studio, Ushuaïa Tv, France 3 Hauts-de-France.