04 juin 2020
Bis repetita. Comme en 2018, les défenseurs de la pêche électrique utilisent l’opportune parution d’un “Avis spécial” du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) pour gesticuler de prétendues données scientifiques et ainsi demander l’annulation du règlement interdisant cette méthode de pêche destructrice. Comme en 2018, il n’en est rien : “la science” n’a pas prouvé l’innocuité de cette méthode de pêche. Depuis 10 ans, les Pays-Bas bafouent le droit européen en essayant d’imposer de force une méthode de pêche dénoncée dans toute l’Europe par les pêcheurs artisans.
La parution de cet Avis spécial du CIEM fait suite à une demande du gouvernement néerlandais à cet organisme d’évaluer la contribution de la pêche électrique à la réduction des impacts écosystémiques et environnementaux de la pêcherie de soles en Mer du Nord, c’est-à-dire de comparer une fois de plus peste et choléra, chalut électrique et chalut à perche conventionnel (ce dernier étant largement considéré comme l’un des engins de pêche les plus destructeurs au monde). Pour faire face aux changements climatiques et créer de la résilience, nous avons besoin d’une refonte radicale du secteur de la pêche, et non pas d’innovations à la marge rendant plus efficaces les engins destructeurs.
Comme en 2018, cette question des Pays-Bas ignore complètement les alternatives de pêche beaucoup plus vertueuses, comme la pêche au filet pratiquée par les pêcheurs artisans du nord de la France. Il y a deux ans, les Pays-Bas avaient tenté un coup de force politique pour imposer la pêche électrique en Europe malgré un vote du Parlement européen en janvier 2018 pour une interdiction totale. Échec cuisant pour les lobbies : l’Avis d’alors avait suscité de vives critiques, notamment de la part de l’Ifremer, pourtant peu porté sur les critiques publiques de ses confrères.
Nous n’épiloguerons pas sur les pseudo-avancées scientifiques concernant la pêche électrique. Notre précédente critique reste applicable, tout comme celle de l’Ifremer. Rappelons tout de même deux points :
Les Néerlandais ont développé la pêche électrique sans se soucier des inquiétudes environnementales et sociales que suscitait cette technique destructrice. Les lobbies cherchent actuellement à discréditer une décision qui a permis de faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts financiers d’une poignée d’industriels. Mais cette agitation masque l’essentiel : les Pays-Bas détiennent toujours un nombre illégal de dérogations et la Commission européenne reste mutique à nos plaintes répétées. Piétiner l’intérêt général ne pourra être une stratégie gagnante.
Jean de La Fontaine aurait pu commencer ainsi une fable illustrant les malversations des lobbies de la pêche électrique :
La pêche électrique fut développée
Sans étude prouvant son innocuité.
Quand vint le moment de l’interdire,
l’industrie se mit à produire
moult recherches pour prouver ses dires.
Des scientifiques peu scrupuleux
firent des rapports douteux.
Mais il était trop tard
pour sauver leurs déboires.
La pêche électrique fut enterrée,
et les lobbies désabusés.
Or, l’appel du profit dépassait l’entendement,
les industriels poursuivirent leur entêtement.
Des scientifiques bien pratiques
trouvèrent quelques vertus à la pêche électrique.
Beaucoup d’argent public fut investi
pour produire du vent et du bruit.
Mais ces efforts furent vains,
leur but n’étant pas atteint.
A vouloir aller trop vite,
l’avidité montra ses limites.
Moralité : quand l’éthique est piétinée,
la propagande, même chèrement payée,
n’a plus d’influence
sur le bons sens.