A l’heure où la Commission européenne sort une proposition de règlement pour encadrer la pêche en eau profonde le 19 juillet 2012, la municipalité de Lorient déplore que si la pêche en eau profonde venait à être interdite, au moins 600 emplois seraient menacés, un chiffre 3 fois supérieur à celui avancé par les industriels au moment du Grenelle de la Mer.
La machine politique lorientaise, appuyée par (et finançant sans doute aussi) le lobby des industriels (l’association BlueFish) a déployé une séquence parfaitement orchestrée et produit des chiffres fantastiques, indéfendables et dont la méthodologie pour les obtenir est « confidentielle »afin de mettre en évidence l’importance de la pêche profonde pour la région de Lorient et son aspect « structurant ».
En effet, fin juin 2012, l’étude intitulée « Caractérisation de l’économie lorientaise liée à la pêche de grands fonds » réalisée par le cabinet Pricewaterhouse Coopers (PwC) à la demande de l’Agence d’Urbanisme et de Développement Economique du Pays de Lorient (Audélor) insiste sur la perte d’au moins 600 emplois induits si celle-ci venait à être interdite.
Les espèces profondes représentent 3% de tous les poissons qui sont débarqués à Lorient, qui y transitent et y sont transformés. Dire que 3 % de poissons profonds à Lorient génèrent à 600 emplois signifie que 19 750 emplois seraient créés pour les 100 000 tonnes qui passent par Lorient chaque année. Problème: le secteur de la pêche emploie en France pour l’année 2011 un total de 18 617 personnes (12 823 en ETP), ce qui est de toute évidence incohérent. De tels chiffres ne sont pas raisonnables.
Cette estimation de perte de 600 emplois a été réalisée selon le scénario d’un arrêt total des pêches profondes, ce que personne n’a jamais proposé ni même mentionné.
BLOOM rappelle que le règlement proposé par la Commission européenne ne vise pas à interdire la pêche en eaux profondes mais simplement les méthodes de pêche jugées les plus destructrices par le corps scientifique, c’est à dire le chalutage de fond et les filets maillants de fond déployés en eaux profondes.
Les estimations de l’étude PwC étant extraordinairement élevées, BLOOM a demandé à Lorient et PwC de lui fournir la méthode de calcul des estimations. La réponse fut qu’elle était « confidentielle ». (Voir la réponse ici).
Un examen attentif du document PwC révèle que les espèces d’eaux profondes ne sont pas clairement définies et que des espèces vivant en surface ont été intégrées au calcul. Il apparaît ainsi que l’étude prend en compte la pêche hauturière en général. Il en résulte une étude largement faussée et inutilisable.
En 2012, BLOOM a étudié l’impact de la pêche profonde sur l’emploi en France en étendant le calcul des emplois à l’ensemble de la France et en examinant divers cas de figure au lieu de ne retenir qu’un scénario d’arrêt définitif de l’activité de pêche profonde comme l’a fait l’étude de Lorient.
Cette enquête vise à contribuer de façon constructive au débat et permettre aux Parlementaires et Etats membres appelés à se prononcer sur le règlement proposé par la Commission européenne de disposer de données objectives et vérifiables.
• Environ 98,5% des captures profondes françaises sont réalisées par 9 navires, soit l’équivalent de 0,1% de la flotte française totale.
• Selon BLOOM, l’emploi directement lié à l’activité de pêche profonde (les captures d’espèces d’eaux profondes représentent 25 à 40% de l’activité des navires) est estimé à 44 ETP pour l’ensemble de la France (pas uniquement Lorient).
• Que l’on prenne l’équipage complet des navires (112 ETP) ou un chiffre basé sur le pourcentage des prises d’espèces profondes (44 ETP), la pêche en eaux profondes contribue de 0,2 à 0,5% à l’ensemble de l’emploi des pêcheurs français.
• Les emplois directs et indirects induits par les prises d’espèces d’eaux profondes en France (transformation, logistique etc.) se situent entre 132 et 470 pour l’ensemble du territoire (selon le chiffre initial utilisé et le coefficient multiplicateur).
• L’exemple récent d’Euronor, la flotte de Boulogne-sur-Mer qui s’est beaucoup désengagée de la pêche profonde sans modifier ses engins de pêche, montre qu’un simple changement dans la stratégie de pêche peut diminuer la dépendance de la flotte aux espèces profondes sans aucune incidence sur l’emploi et avec une nette amélioration du résultat financier en prime.
A la question « Si l’Europe adopte l’interdiction du chalutage profond, quelle menace pour l’emploi? «
BLOOM répond aucune.
Au contraire, si les flottes acceptent de se convertir à la palangre, comme la Commission européenne le propose, ils opteraient pour un engin de pêche qui génère six fois plus d’emplois que le chalutage profond. C’est ce qu’a révélé le 19 novembre 2013 une nouvelle étude de la New Economics Foundation.
Nous supposons que les flottes ne souhaitent pas se convertir à la palangre parce qu’elles ne veulent pas créer des emplois : cela mènerait nécessairement à une augmentation des charges sociales et des dépenses.
09 décembre 2013
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