26 octobre 2016
Réponse de BLOOM au Marine Stewardship Council (MSC) après leur réaction à notre communiqué de presse
Pour ceux qui doutaient encore que l’on pouvait dire tout et son contraire – suivant une logique robuste en apparence, mais devant sans cesse prendre le contrepied de ses propos pour tenir – il faut lire la réponse du MSC au communiqué de BLOOM concernant notre objection à la certification de la pêcherie d’empereurs en Nouvelle-Zélande !
Selon le MSC, « La pêcherie d’empereur de Nouvelle-Zélande n’est pas, à ce jour, certifiée MSC, contrairement à ce qu’affirme l’association BLOOM dans un article publié aujourd’hui sur son site ».
L’organisme qui a évalué la pêcherie d’empereurs en Nouvelle-Zélande, le cabinet MRAG, s’est prononcé en faveur de la certification MSC, en dépit des arguments avancés par les ONG au cours du processus d’évaluation. Cela signifie que si les ONG n’avaient pas déposé une objection formelle, la pêcherie d’empereurs serait d’ores et déjà certifiée. Il ne peut y avoir d’objection qu’une fois l’avis positif de certification rendu.
L’entrée en matière du communiqué du MSC est donc incohérente avec leur propre procédure. D’ailleurs, le MSC se contredit lui-même deux paragraphes plus bas, avouant que « toute partie prenante [peut], en fin d’évaluation, en cas de désaccord, poser une objection ». Il s’agit bien, de fait, de faire objection après que la décision de certifier ou non la pêcherie a été prise.
La Deep Sea Conservation Coalition (DSCC ; rassemblant plus de 70 ONG), Greenpeace, BLOOM, et l’Environment and Conservation Organisations of Aotearoa New Zealand (ECO-NZ) se sont portés parties prenantes pour avoir leur mot à dire dans l’évaluation de la pêcherie d’empereurs. Elles n’ont eu de cesse que de fournir de nombreux arguments scientifiques à charge contre la certification de cette pêcherie. Leur travail n’a pourtant nullement été pris en compte par MRAG, aucun argument n’ayant été retenu.[1] Les ONG ont dû payer l’exorbitante somme de 5000 livres sterling (environ 6000 euros) pour que le processus d’évaluation prenne enfin en compte (en tous cas nous l’espérons) leurs arguments. Ce défaut de procédure est tout simplement scandaleux.
Cependant, la procédure d’objection n’est nullement une garantie d’être écoutés. Pour preuve, des chercheurs ont montré en 2013[2] que sur 19 objections formelles, 18 avaient été rejetées… En 2015, des chercheurs affiliés au MSC (y compris son directeur scientifique) confirmaient cette tendance : seulement deux d’entre elles avaient été retenues sur 31 formulées.[3]
Le MSC a beau annoncer que « l’évaluation est participative : toute partie prenante (scientifiques, ONG, entreprises, pêcheries concurrentes, etc.) est consultée par les auditeurs et experts indépendants pour apporter des informations, commenter les notations », la réalité est toute autre. C’est bien « d’entendre » les parties prenantes, encore faut-il les écouter, sans quoi ce processus n’a rien de « collaboratif ». Pour rappel, lorsque BLOOM était partie prenante dans le processus de certification du segment « pêche profonde » de la Scapêche, tous nos arguments avaient également été rejetés. L’évaluation de cette pêcherie extrêmement destructive avait finalement été stoppée[4] à l’initiative du groupe Agromousquetaires, plus clairvoyant que le MSC sur les normes de destructivité acceptables par les citoyens.[5]
Les procédures du MSC sont très complexes et semblent robustes mais elles cachent de nombreuses faiblesses inhérentes. Par exemple, le MSC indique que « l’évaluation est menée par des organismes de certification […] dont les frais d’audits sont couverts par la pêcherie ». L’organisme de certification peut donc facilement interpréter le cahier des charges du MSC [6] pour débouter les opposants à la certification de son client. Ce biais de la certification tierce-partie est bien connu. Il n’est pas propre au MSC, certes, mais il y existe bel et bien.
Pour terminer, nous trouvons la fin du communiqué du MSC hors sujet : « Nous regrettons qu’une association comme BLOOM, dont le Directeur Scientifique fait partie du Conseil des Parties Prenantes du MSC ne soit pas plus précis et objectif sur le fonctionnement du processus d’évaluation du MSC. » C’est justement pour tenter de pousser la marque vers une amélioration constante que notre directeur scientifique a déposé sa candidature au conseil des parties prenantes. Si le MSC l’a acceptée en pensant que cela mettrait fin aux critiques de BLOOM sur les aberrations du label, il s’est fourvoyé…
[1] La DSCC, BLOOM, ECO-NZ et Greenpeace ont suivi de près depuis le début le chronophage processus d’évaluation. Par exemple, en février 2016, BLOOM a soumis une contribution sur le rapport intermédiaire du MRAG. Nos remarques (et celles des autres ONGs) sont restées vaines puisque les excellentes notes attribuées à la pêcherie d’empereurs par le MRAG (supérieures à 80% pour chaque critère, comme il est nécessaire pour être certifié par le MSC) sont restées exactement les mêmes dans la version finale du rapport !
[2] Christian et al. (2013) A review of formal objections to Marine Stewardship Council fisheries certifications. Biological Conservation 161: 10-17.
[3] Brown et al. (2016) On the road to fisheries certification: The value of the Objections Procedure in achieving the MSC sustainability standard. Fisheries Research 182: 136-148. (mise à jour avec les résultats de l’objection à la certification de la pêcherie de thon dans l’Océan Indien par l’entreprise Echebastar).
[4]www.msc.org/track-a-fishery/fisheries-in-the-program/exiting-the-program/withdrawn/scapeche-roundnose-grenadier-black-scabbard-fish-and-blue-ling-deep-sea.
[5]http://presse.mousquetaires.com/les-communiques-de-presse/agromousquetaires-lance-le-plan-peche-durable-2025-pour-renforcer-sa-strategie-de-pecheur-poissonnier-responsable.
[6] Nombre de critères dans le cahier des charges du MSC ne sont pas « tranchés », ce qui laisse place à l’interprétation.