20 mars 2017
[Mercredi 22 mars : Bonne nouvelle ! L’amendement a été rejeté ce matin à la Commission de la Pêche, le Parlement européen respecte ainsi l’Objectif de Développement Durable 14 de l’ONU.]
Un nouvel amendement du Parlement européen (amendement 105 page 49) soutenu par la députée européenne socialiste Isabelle Thomas et de nombreux députés français propose de réintroduire les subventions à la construction de nouveaux bateaux de pêche dans les régions ultrapériphériques de l’Europe.[1] Il sera soumis au vote mercredi 22 mars en Commission de la pêche, puis en plénière au Parlement européen le 26 avril prochain.
Cet amendement va à l’encontre de tout ce qui a été fait en Europe ou au niveau international ces vingt dernières années pour lutter contre la surcapacité de pêche et donc la surexploitation des ressources marines qu’elle génère. Si l’amendement était voté, il enverrait un signal très négatif en amont de la conférence internationale prévue en juin à l’ONU sur la mise en oeuvre de l’objectif de développement durable n°14 sur les océans.
Lire le courrier envoyé le 16 mars 2017 par 101 ONG aux eurodéputés à ce propos.
Lire l’article du Journal de l’Environnement / Euractiv sur le sujet.
Sous couvert de moderniser et de développer la pêche « artisanale » ou « traditionnelle » dans les régions ultrapériphériques, cet amendement pourrait ouvrir une véritable boîte de Pandore et favoriser la création de flottilles semi-industrielles au détriment des pêcheurs artisans et traditionnels locaux. En effet, la pêche « artisanale » ou « traditionnelle » n’est pas définie dans l’amendement, alors qu’il est précisé par deux fois que la pêche crevettière devra être incluse dans la définition. Et qui dit pêche crevettière dit… « chalut » !
Alors que la Politique commune de la pêche définit la « petite pêche côtière » comme « la pêche pratiquée par des navires de pêche dont la longueur hors tout est inférieure à douze mètres et qui n’utilisent […] [pas d’]engin remorqué », la France définit la pêche « artisanale » de manière radicale : elle englobe tout navire de moins de 25m[2] avec armateur embarqué.[3] Cette définition est en opposition totale avec les organisations de pêcheurs artisans telles que LIFE ou le World Forum of Fish Harvesters & Fish Workers (WFF). Pour en revenir à l’amendement 105 déposé par Isabelle Thomas, ce n’est certainement pas en construisant des chalutiers de 25m que la vraie pêche artisanale (celle de moins de 12 mètres et n’utilisant pas d’engins « trainants ») sera préservée et soutenue. À terme, cet amendement pourrait même favoriser la réintroduction de telles subventions à une échelle beaucoup plus large, y compris dans les eaux métropolitaines.
Le rapport d’initiative de la députée socialiste allemande Ulrike Rodust (« The management of the fishing fleets in the Outermost Regions ») contient un amendement (AM n°58, page 28) qui « souligne le fait que, dans son rapport de 2016, le comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP) n’a pas pu évaluer l’équilibre entre la capacité et les possibilités de pêche pour toutes les flottes opérant dans les RUP en raison de données biologiques insuffisantes; »
Car en effet, étendre la capacité de pêche sans avoir au préalable dressé le bilan scientifique de l’état des ressources et le bilan socio-économique de l’effort de pêche déployé (qui capture quoi ? Débarque où ? Pour quelle valorisation et valeur ajoutée localement ?) contient en soi le risque même de voir s’étendre la pression de pêche sur les ressources et le milieu marin.
En revanche, s’ils sont sincères, il faut s’y prendre autrement ! Augmenter la capacité de pêche sans connaître l’état de la ressource est irresponsable et contradictoire avec les objectifs de la Politique commune de la pêche.
Pour préserver et soutenir la pêche artisanale, les députés européens devraient plutôt :
Nos députés ne doivent surtout pas réutiliser la recette catastrophique qui a mené à la perte d’emploi et à la destructuration des écosystèmes marins en Europe ! Non à la réintroduction de subventions à la construction de nouveaux bateaux de pêche !
[1] Martinique, Mayotte, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Saint-Martin, Madère, les Açores, et les Canaries.
[2] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000360758&categorieLien=cid
[3] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000022196679&cidTexte=LEGITEXT000006071367