22 novembre 2013
Une analyse de BLOOM et Oceana.
Aucune.
Au contraire, si les flottes acceptent de se convertir à la palangre, comme la Commission européenne le propose, ils opteraient pour un engin de pêche qui génère six fois plus d’emplois que le chalutage profond. C’est ce qu’a révélé le 19 novembre 2013 une nouvelle étude de la New Economics Foundation.
Nous supposons que les flottes ne souhaitent pas se convertir à la palangre parce qu’elles ne veulent pas créer des emplois : cela mènerait nécessairement à une augmentation des charges sociales et des dépenses.
• Environ 98,5% des captures profondes françaises sont réalisées par 9 navires, soit l’équivalent de 0,1% de la flotte française totale.
• Selon BLOOM, l’emploi directement lié à l’activité de pêche profonde (les captures d’espèces d’eaux profondes représentent 25 à 40% de l’activité des navires) est estimé à 44 ETP pour l’ensemble de la France (pas uniquement Lorient).
• Que l’on prenne l’équipage complet des navires (112 ETP) ou un chiffre basé sur le pourcentage des prises d’espèces profondes (44 ETP), la pêche en eaux profondes contribue de 0,2 à 0,5% à l’ensemble de l’emploi des pêcheurs français.
• Les emplois directs et indirects induits par les prises d’espèces d’eaux profondes en France (transformation, logistique etc.) se situent entre 132 et 470 pour l’ensemble du territoire (selon le chiffre initial utilisé et le coefficient multiplicateur).
• L’exemple récent d’Euronor, la flotte de Boulogne-sur-Mer qui s’est beaucoup désengagée de la pêche profonde sans modifier ses engins de pêche, montre qu’un simple changement dans la stratégie de pêche peut diminuer la dépendance de la flotte aux espèces profondes sans aucune incidence sur l’emploi et avec une nette amélioration du résultat financier en prime.
Les citations ci-dessous montrent que les estimations des emplois du secteur de la pêche industrielle en France ou à Lorient sont non seulement bien supérieurs aux nôtres mais aussi qu’ils se sont multipliés par 5 en un an :
« Pour les espèces d’eaux profonde, 250 emplois sont directement concernés. Mais si nous parlons de l’incidence sur le port de pêche, c’est 600 emplois directs et indirects. »
Jean-Pierre Le Visage, directeur de l’exploitation, Scapêche. AFP communiqué de presse le 20 juillet 2012.[1]
« Rien qu’à Lorient et sa région, l’activité de pêche profonde représenterait près de 3000 emplois. »
Journal télévisé d’Arte, le 18 novembre 2013
• La municipalité de Lorient a commandé à Price Waterhouse Coopers (PwC) une évaluation de l’impact socio-économique des pêches profondes sur le nombre d’emplois à Lorient. L’évaluation a produit une estimation de 600 emplois, 3 fois supérieure au chiffre avancé par les industriels au moment du Grenelle de la Mer.
• A partir du moment où la Commission européenne a sorti sa proposition de règlement pour encadrer la pêche en eau profonde le 19 juillet 2012, la municipalité de Lorient, la flotte Scapêche et leurs collaborateurs politiques proches ont communiqué un chiffre biaisé et surestimé des emplois supposément « menacés ».
• Or cette estimation part du principe que la Commission européenne propose d’interdire TOUTES les pêcheries d’eaux profondes, alors qu’elle a au contraire explicitement mentionné que des fonds publics seraient disponibles pour la reconversion à d’autres engins de pêche, par exemple la palangre, ce qui conduirait à la création d’emplois.
• Les estimations de l’étude PwC étant extraordinairement élevées, BLOOM a demandé à Lorient et PwC de lui fournir la méthode de calcul des estimations. La réponse fut qu’elle était « confidentielle ». (Voir la réponse ici).
• Un examen attentif du document PwC révèle que les espèces d’eaux profondes ne sont pas clairement définies et que des espèces vivant en surface ont été intégrées au calcul. Il apparaît ainsi que l’étude prend en compte la pêche hauturière en général. Il en résulte une étude largement faussée et inutilisable.
2011 ventes sous criées françaises de lingue bleue, sabre noir et grenadier de roche. Source : FranceAgriMer.
LORIENT : Environ 18% de tous les poissons vendus à la criée de Lorient sont des poissons d’eaux profondes, mais les espèces profondes ne représentent que 3% de tous les poissons qui sont débarqués à Lorient, qui y transitent et y sont transformés.
BOULOGNE-SUR-MER : Moins de 3% de tous les poissons vendus à la criée de Boulogne-sur-Mer sont des poissons d’eaux profondes, mais les espèces profondes ne représentent que 0,2% de tous les poissons qui sont débarqués à Boulogne-sur-Mer, qui y transitent et y sont transformés.
• Les trois principales espèces d’eaux profondes pêchées par les flottes françaises (grenadier, la lingue bleue et le grenadier de roche) représentent environ 3 % de l’activité totale du port de Lorient. Dire que les pêcheries d’eau profonde ont une influence vitale sur l’activité portuaire n’est rationnellement pas justifiable.
• Dire que 3 % de poissons profonds à Lorient génèrent à 600 emplois signifie que 19 750 emplois seraient créés pour les 100 000 tonnes qui passent par Lorient chaque année. Problème: le secteur de la pêche emploie en France pour l’année 2011 un total de 18 617 personnes (12 823 en ETP), ce qui est de toute évidence incohérent. De tels chiffres ne sont pas raisonnables.
• Même l’étude socio-économique des emplois que Lorient a demandée à PwC reconnaît que « la pêche, l’aquaculture, la transformation et autres activités représentent 3,3% » de l’emploi dans la zone de Lorient, soit un total de 3000 emplois. Les poissons d’eaux profondes représentent environ 3% de ce total, soit environ 90 emplois pour Lorient, un chiffre en ligne avec ce que les représentants des pêcheurs industriels mentionnaient lors du Grenelle de la Mer pour la pêche profonde.
• Le directeur de la flotte d’Intermarché affirmait hier à l’AFP que 3000 emplois directs et indirects étaient concernés par la pêche profonde en Bretagne. Les chiffres ci-dessous montrent qu’il s’agit de pure science-fiction : en 2011, les espèces profondes représentaient 2,3 % de l’ensemble des captures françaises. Ce ratio captures/emplois devrait être cohérent avec le nombre d’emplois du secteur de la pêche (18 617 personnes), mais si on l’applique à l’ensemble des prises françaises de poissons, le secteur devrait générer 132 337 emplois, soit 7 fois plus que la réalité.
• Si Intermarché exagère ses estimations 7 fois, il suffit peut-être de diviser leur chiffre absurde de 3000 emplois par 7 pour trouver le chiffre réel : 428 emplois, soit l’estimation haute de BLOOM… !
• Notons par ailleurs que le congre représentait 4227 tonnes de captures en 2011 en France, soit 41% des prises d’espèces « profondes », mais il vient d’être retiré de la liste des espèces définies comme « profondes » par le vote du 4 novembre 2013 de la Commission PECH du Parlement européen. Sans le congre, les espèces profondes pourraient représenter dorénavant environ 6000 tonnes par an et environ 1% des captures françaises.
[2] Ce chiffre est basé sur les déclarations récurrentes des flotte de pêche. Voir la présentation de Claire Nouvian au Parlement européen le 19/02/13 : http://www.europarl.europa.eu/document/activities/cont/201302/20130220ATT61452/20130220ATT61452EN.pdf. Il y a 7305 navires en tout en France. Tiré de : Chiffres clef du secteur de la pêche 2012 – http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Chiffres_cle_peche.pdf
[3] Voir l’analyse de BLOOM: http://www.bloomassociation.org/en/employment-the-last-joker-of-the-french-deep-sea-fishing-industry/
[4] Voir : Chiffres clef du secteur de la pêche 2012 – http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Chiffres_cle_peche.pdf
[5] Les multiplicateurs utilisés ici sont compris entre : 1 emploi en mer créant 2 emplois à terre et 1 emploi en mer créant 3,2 emplois à terre ; ceci est reconnu par les économistes halieutiques comme étant une valeur haute pour des navires industriels dans des pays développés.
[6] Voir l’analyse des comptes des trios flottes de pêche profonde principales, qui compare les subventions et les comptes d’exploitation : http://www.europarl.europa.eu/document/activities/cont/201302/20130220ATT61452/20130220ATT61452EN.pdf.
[7]http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hBBEp15hFn2_xZB3zIChTbWBd-Mg?docId=CNG.db78ac929e2a9e8360e224818a5fe91e.2c1
[8] Audélor, Caractérisation de l’économie lorientaise liée à la pêche de grands fonds, 28 juin 2012.
[9]Cette impression est même confirmée ici: http://www.espacedatapresse.com/fil_datapresse/consultation_cp.jsp?ant=reseau_2743043
[10] Les données sont disponibles sur France AgriMer: http://www.franceagrimer.fr/content/download/15478/115532/file/BIL-MER-Bilan_HAM-2011.pdf et le chiffre des 100 000 tonnes provient du site internet du port de Lorient.
[11] European Commission, The 2011 Annual Economic Report on the EU Fishing Fleet, (STECF-11-16).
[12] http://www.france24.com/fr/20131121-peche-grands-fonds-sous-controle-encadree-assure-scapeche
[13] Soit 10 215 tonnes d’espèces listées aux annexes I & II du règlement actuellement en vigueur EC N°2347/2002 par rapport à 450 608 tonnes de poissons capturées en 2011 (données FAO 2011).