10 novembre 2016
Les ONG expertes en conservation marine demandent au Conseil de l’Union européenne d’interdire la pêche d’espèces profondes en voie de disparition. Le Conseil se réunira les 14 et 15 novembre pour décider du total admissible des captures (« TAC ») et des quotas pour la pêche profonde dans l’Atlantique Nord-Est*.
Deux espèces de poissons d’eau profonde – le grenadier de roche et la lingue bleue – ont été classées comme étant menacées d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2015. Le grenadier de roche (Coryphaenoides rupestris) est estimé « en danger d’extinction » au niveau régional et la lingue bleue (Molva dypterygia) comme « vulnérable ».
Il s’agit de deux des trois principales espèces ciblées par les chalutiers de fond espagnols et français pêchant au large de l’Irlande, de l’Ecosse et dans les eaux internationales de l’Atlantique Nord-Est. Les quotas disponibles pour le grenadier de roche, une espèce qui peut vivre plus de 50 ans, seront décidés au Conseil des ministres de novembre, tandis que les quotas de lingue bleue seront décidés en décembre.
« Permettre aux navires de l’UE de pêcher ces deux espèces équivaut au Conseil accordant une licence de chasse pour des espèces menacées dans les eaux européennes » réagissait Matthew Gianni, de la Deep Sea Conservation Coalition. « Le total admissible de capture de ces espèces, qui sera décidé la semaine prochaine par le Conseil, devrait être fixé à zéro pour éviter le risque d’extinction. »
Les ONG sont également préoccupées par les prises accidentelles d’espèces hautement vulnérables capturées par les navires de pêche profonde dans l’Atlantique Nord-Est, notamment les requins profonds, capturés en quantités substantielles et dont certains sont en danger critique d’extinction, mais qui ne font l’objet d’aucune mesure de gestion spécifique. Le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM), qui fournit des avis scientifiques aux décideurs de l’UE, a exprimé son inquiétude générale à propos du nombre élevé d’espèces impactées par les pêches profondes au chalut, particulièrement en Irlande et en Écosse. L’inquiétude des ONG a été soulignée dans un courrier adressé à la Commission européenne en Octobre 2016.
Claire Nouvian, fondatrice de BLOOM, rappelait que « fin juin 2016, l’Union européenne a trouvé un accord sur la réforme du règlement encadrant la pêche profonde, en adoptant notamment une interdiction du chalutage profond au-delà de 800 mètres qui entrera en vigueur en 2017. Le Conseil a exigé que toutes les mesures du Parlement visant à assurer une gestion durable des populations de poissons profonds soient retirées du texte final. Le Conseil s’est ainsi conservé la prérogative de fixer seul les quotas de pêche. La décision du Conseil des ministres européens sur les quotas est donc plus importante cette année que jamais car elle donnera une jauge de la fiabilité du Conseil quant à son engagement de mettre fin à la surpêche. »
Notre recommandation de TAC zéro pour le grenadier de roche et la lingue bleue devrait être maintenu jusqu’à ce que :
* Spécifiquement les zones du CIEM VI et VII, et les divisions Vb et XIIb dans les eaux de l’Union et les eaux internationales.
** Le Conseil de l’UE et le Parlement européen se sont récemment entendus sur un nouveau règlement pour la gestion des pêches profondes dans les eaux de l’UE qui exigera une interdiction du chalutage de fond au-delà de 800 mètres et prévoit un mécanisme pour identifier et fermer les zones où les écosystèmes marins vulnérables (EMV) se trouvent ou sont susceptibles de se trouver de façon à les protéger des dommages causés par les chaluts de fond ou d’autres engins. Néanmoins, cette législation n’entrera en vigueur qu’en 2017 et il n’est pas clair combien de temps cela prendra d’établir la limitation bathymétrique pour l’interdiction du chalutage profond ou l’identification et la protection des écosystèmes marins vulnérables. En attendant, très peu de zones profondes à l’intérieur des eaux européennes sont protégées des impacts des chaluts profonds.
*** Par ses résolutions 61/105, 64/72 et 66/68, l’Assemblée générale des Nations Unies a engagé les États « individuellement et par l’intermédiaire des ORGP » à gérer les pêcheries profondes en haute mer de façon à « assurer la durabilité à long terme des stocks de poissons d’eau profonde et des espèces non ciblées, ainsi que la reconstitution des stocks épuisés » et à « ne pas autoriser les activités de pêche de fond tant que ces mesures n’ont pas été adoptées et mises en œuvre ». L’Assemblée générale des Nations Unies procédera à un examen de la mise en œuvre des résolutions cette semaine (7-15 novembre) à New York.
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