12 mars 2015
Le 11 mars, plus de 300 personnes ont assisté à la projection du documentaire « INTOX – Enquête sur les lobbies de la pêche industrielle », suivi d’un débat avec les députés Laurence Abeille, Jean-Louis Roumégas, Geneviève Gaillard, la directrice de BLOOM Claire Nouvian et le directeur de recherche à l’IRD Philippe Cury.
Merci aux députés Laurence Abeille et Jean-Louis Roumégas d’avoir organisé cet évènement riche en échanges et en prises de positions fortes pour la défense des fonds marins et la transparence politique.
Vous trouverez ci-dessous le discours d’ouverture prononcé par la députée Laurence Abeille :
Jean-Louis Roumégas, député de l'Hérault © Michel Pourny
Laurence Abeille, députée du Val-de-Marne © Michel Pourny
Philippe Cury, directeur de recherche à l'IRD © Michel Pourny
Claire Nouvian, directrice de BLOOM © Michel Pourny
Geneviève Gaillard, députée des Deux-Sèvres © Michel Pourny
Mesdames Messieurs les parlementaires, chers collègues,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames Messieurs les présidents d’association,
Mesdames Messieurs les journalistes,
Mesdames, Messieurs,
Bonsoir à tous,
Merci d’être présents en grand nombre ce soir. Nous jouons « à guichet fermé », et nous avons été dans l’obligation à notre grand regret de refuser de nombreuses inscriptions, faute de place disponible.
C’est un signe qui ne trompe pas : il y a une véritable attente citoyenne sur la question du chalutage profond. Nous le savions avec le raz-de-marée qu’a été la pétition de bloom sur ce sujet et la bande-dessinée de Pénélope Bagieu – que je salue. Cette forte attente se confirme encore ce soir.
Je tiens à remercier nos intervenants qui prendront la parole lors du débat qui suivra la projection :
– Geneviève Gaillard, députée des Deux-Sèvres et rapporteure du projet de loi sur la biodiversité qui vient en séance publique la semaine prochaine. Je sais qu’elle est très occupée par ce texte, alors je la remercie chaleureusement d’être avec nous ce soir ;
– Philippe Cury, Directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement, qui a fait le déplacement jusqu’à nous et je l’en remercie ;
– Claire Nouvian, Directrice et fondatrice de Bloom, que je remercie ainsi que toute l’équipe de BLOOM pour leur action, pour nous avoir aidé à organiser cette projection et pour la qualité du documentaire qui va suivre.
– Je remercie également mon collègue Jean-Louis Roumégas, membre de la commission des affaires européennes et qui à ce titre est beaucoup intervenu sur ce sujet. Jean-Louis animera le débat et je le remercie d’avoir organisé à nos côtés cette projection à l’Assemblée nationale.
Le documentaire – vous le verrez – est un réquisitoire contre la situation actuelle qui laisse perdurer ce type de pêche. Il est à charge, mais parce qu’il est à charge, nous avons souhaité que les défenseurs de ce type de pêche puissent s’exprimer. Nous les avons donc invité au débat qui suivra mais aucun n’a souhaité venir, nous n’avons eu que des refus ou des invitations restées sans réponse… A croire que même les défenseurs de la pêche profonde considèrent cette pratique comme indéfendable…
Depuis plusieurs années, la pêche profonde est en sursis. Nos intervenants y reviendront très certainement lors du débat qui suivra la projection.
Nous politiques sommes là pour relayer cette demande citoyenne, et je crois que nous sommes nombreux à être convaincus que l’interdiction de cette méthode de pêche est la seule solution responsable.
Deux raisons principales :
– L’impact du chalutage profond sur la biodiversité et sur la destruction d’espèces protégées est très fort, alors que ces écosystèmes marins sont encore très peu connus ;
– L’apport économique de cette pêcherie est dérisoire.
Je pense que nos intervenants reviendront sur ces deux points et évoqueront les données de l’IFREMER rendues publiques en juillet dernier et analysées par les ONG. Ces données confirment l’impact clairement néfaste de la pêche profonde sur les écosystèmes.
Depuis le début de cette législature, nous sommes plusieurs à l’assemblée à remettre sur la table la question de l’avenir de la pêche profonde.
– Pour ma part, j’ai déposé en juillet dernier avec le groupe écologiste une proposition de loi pour interdire le chalutage profond.
– Dans le cadre du dernier Projet de loi de finances, nous avons déposé un amendement pour supprimer l’exonération de TICPE – la taxe sur le carburant – dont bénéficient les bateaux pratiquant le chalutage profond. Sachant que ce type de pêche nécessite énormément de carburant, c’est un manque à gagner certain pour les caisses de l’Etat, et en tout cas c’est anormal que ce type de pêche fortement préjudiciable à la biodiversité soit soutenu par de l’argent public ! Sans aides publiques, pas de pêche profonde !
– Dans le cadre du projet de loi biodiversité, j’ai déposé en juin dernier en commission un amendement pour interdire le chalutage profond, le projet de loi biodiversité arrive dans l’hémicycle la semaine prochaine, et je vais redéposer cet amendement !
C’est un travail de longue haleine, difficile, tant les résistances au changement sont fortes et tant les lobbies sont puissants. Si c’est plus facile d’attendre que d’agir, la biodiversité sous-marine dévastée par cette pêche ne peut, elle, plus attendre ! Le documentaire montre bien ce lobbying qui influence la décision politique : l’intérêt de quelques-uns prime sur l’intérêt général, et c’est bien dommage.
Le débat sur la pêche profonde ne doit pas se résumer à une opposition entre pêcheurs et défenseurs de l’environnement : au contraire, défendre le milieu marin et les écosystèmes marins, c’est défendre la pêche ! Mais il ne faut pas défendre n’importe quelle pêche, la pêche artisanale la plus créatrice d’emploi doit être favorisée. Nous savons que le chalutage profond et la pêche industrielle ont un impact énorme sur les écosystèmes marins et nuisent donc à l’ensemble de la pêche artisanale.
C’est le sens de l’amendement que j’ai porté sur l’exonération de taxe sur le carburant dont bénéficie l’ensemble du monde de la pêche : il est indispensable que les aides servent avant tout à la petite pêche créatrice d’emploi.
Les décisions de bon sens sont parfois difficiles à prendre, mais nous savons tous que la situation est intenable, et que la France est isolée en Europe sur cette question de la pêche profonde.
La solution est à chercher avant tout au niveau européen, et la France ne peut plus bloquer toute décision responsable. Rappelons qu’au niveau européen, la présidence lettonne a fixé au 15 mars prochain la date butoir pour que les Etats-membres soumettent leurs commentaires sur le règlement pêche profonde. C’est une nouvelle fenêtre de tir pour changer la position française qu’il faut saisir !
Plus nous attendons, plus nous détruisons des écosystèmes extrêmement fragiles, millénaires, dont l’évolution est très lente, pour un gain quasiment inexistant.
Il est temps que cela cesse.
Un mot sur le documentaire avant de commencer la projection : l’axe principal de ce film est le lobbying autour du chalutage profond et non le problème écologique qu’est le chalutage profond. Nos intervenants reviendront certainement sur ce désastre écologique, mais le documentaire vise avant tout à dénoncer l’inaction.
J’espère que vous apprécierez ce documentaire et le débat qui suivra, et je vous remercie encore d’être si nombreux ce soir.