Attaquons-nous à la cause majeure de la surpêche : les subventions publiques ! Pour réussir à supprimer les subventions encourageant la surpêche, il est nécessaire d’obtenir une transparence complète sur ces financements et d’analyser toutes ces données avec précision. Ce préalable essentiel permettra de découvrir quelles sont les subventions nocives, quel est leur impact et à qui elles sont attribuées. Ce travail, qui paraît indispensable, n’a pourtant encore jamais été réalisé.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, sous l’emprise du mythe d’une manne océanique inépuisable, l’État a décidé de faire de la pêche française un secteur industriel performant et moderne par le biais d’une politique de subventionnement à la construction.
C’est ainsi qu’au nom du productivisme, et malgré les nombreuses voix s’élevant déjà contre le chalutage de fond, cette méthode de pêche est toujours privilégiée par les décideurs publics.
Commence alors une destruction à grande échelle de l’environnement marin, un immense gâchis d’espèces, une gabegie de gasoil et une destructuration inexorable des emplois dans la pêche.
Le choix de l’efficacité technologique se révèle en quelques décennies incompatible avec le rythme biologique des espèces et la santé socio- économique du secteur.
Les poissons font l’objet d’une classique tragédie des communs, tragédie face à laquelle la dernière réforme de la Politique commune de la pêche offre de bien maigres réponses : aujourd’hui, 90 % des stocks de poissons européens ne sont pas pêchés durablement et les emplois dans la pêche en France ont été divisés par trois depuis 1990 seulement.
Les subventions ne servent désormais qu’à acheter la paix sociale au rythme des fluctuations de la grogne et des cours du gasoil. Seuls gagnants : une poignée d’industriels et la grande distribution qui achète à bas prix le volume dont elle a besoin pour faire tourner son modèle.
Aujourd’hui, les subventions sont clairement identifiées comme les grandes responsables de la surpêche au niveau mondial. En France, la Cour des comptes s’est penchée sur cette question, mais son rapport n’a jamais été publié officiellement.
Pourtant, le rapport qui a fuité dans la presse révélait deux problèmes majeurs du financement du secteur de la pêche :
1- les aides publiques sont incohérentes en regard des objectifs de développement durable de la pêche ;
2- Personne ne répertorie les aides publiques et n’est en mesure de savoir clairement qui verse quoi, à qui, et à quel titre.
Au final, la Cour estime tout de même que les subventions sont supérieures au chiffre d’affaire du secteur de la pêche si on inclut les aides à la protection sociale.
Il est aujourd’hui impossible de retracer les subventions publiques allouées au secteur de la pêche. Or, toute réforme de ce secteur dans une optique de développement durable écologique et socio-économique est impensable sans connaître la performance économique des différentes activités de pêche.
Fin 2014, BLOOM a lancé un programme de recherche dédié à l’étude des subventions allouées à la pêche. Doté d’un comité de pilotage réunissant des experts en économie et en sociologie, le projet de BLOOM vise à conduire une étude exhaustive des aides publiques allouées au secteur de la pêche en France.
Il s’agira notamment d’établir avec précision les montants en jeu, d’identifier les différentes catégories de bénéficiaires et d’évaluer l’adéquation de ces financements avec les objectifs fixés au niveau communautaire.
L’amélioration substantielle des connaissances fournira l’appui scientifique nécessaire à une réforme efficace des politiques publiques de gestion en favorisant une meilleure allocation des fonds et une optimisation de la dépense publique selon des objectifs de préservation de l’emploi, du milieu marin, des populations de poissons.
Frédéric Le Manach – Directeur scientifique
Valérie Le Brenne – Chargée de projet
Fondation Humus
Fondation 2050
Fondation En chemin vers demain
Fondation Nature et solidarités 59
Nous remercions également nos donateurs individuels qui soutiennent par leur don ce programme de recherche.