31 août 2017
Paris, le 31 août 2017
COMMUNIQUE DE PRESSE — De nombreux acteurs dont BLOOM lancent aujourd’hui la campagne On The Hook, dont l’objectif est de mettre en lumière une nouvelle dérive du MSC. Plus particulièrement, On The Hook dénonce la volonté du MSC de renouveler la certification de la plus grande pêcherie de thon au monde, dans le Pacifique Ouest.
Le point de discorde est simple : cette pêcherie cible deux espèces de thons (bonite rayée et thon albacore) à l’aide d’un seul engin : la senne tournante.[1] Lors d’une même campagne de pêche, cette senne peut être utilisée sur des bancs de thons « libres » — pratique qui peut alors prétendre à la certification MSC — ou sur des bancs constitués autour de radeaux artificiels appelés dispositifs à concentration de poissons (DCP).[2] Cette pratique utilisant des DCP capture de nombreux requins, tortues, thons juvéniles et autres espèces protégées ou sensibles, ce qui la rend non durable.
La certification serait donc totalement absurde car elle ne concernerait que la pêche sur bancs libres, omettant les pratiques non durables de la pêcherie. « Il ne serait pas crédible de ne certifier qu’une partie d’une ferme « bio et sans pesticide », alors que le reste de la ferme utilise des pesticides et autres pratiques non durables. Ce principe doit être le même pour nos pêcheries » commente Richard Benyon, député britannique et ancien ministre des pêches.
Au-delà de ce non-sens éthique, il n’existe aucune définition scientifique de ce que constitue un banc libre ou associé à un DCP. Cette distinction arbitraire ne gêne aucunement le MSC, qui s’apprête donc à renouveler la certification de cette pêcherie dans les semaines à venir.
On The Hook est constitué de 26 acteurs de secteurs variés : ONG (BLOOM, Blue Marine Foundation etc.), grande distribution (Migros, Woolworth South Africa etc.), élus et personnalités publiques (Richard Benyon, Hugh Fearnley-Whittingstall etc.) et académiques.[3]
Pour le lancement de sa campagne, On The Hook demande formellement au MSC de suspendre immédiatement le certificat de la pêcherie en question, mais également de considérer en urgence le bienfondé de ne certifier qu’une partie des activités d’une même pêcherie.
« De nombreux membres de On The Hook ont soutenu le MSC pendant 20 ans. Cependant, le potentiel renouvellement de cette certification cause de sérieuses inquiétudes« , s’inquiète Callum Roberts, professeur à l’Université de York et l’un des porte-paroles de On The Hook. Il ajoute : « nous ne pouvons plus faire confiance au label MSC et devons nous-mêmes questionner l’origine du thon que nous consommons. Le MSC et toute sa chaîne d’approvisionnement doivent être tenus responsables de leurs actes. »
Un sondage récemment effectué par Populus (voir « Pour aller plus loin ») montre que les consommateurs trouvent inacceptables les pratiques actuelles de cette pêcherie. Dans ce même questionnaire, 69% des sondés reconnaissent que toute pêcherie certifiée MSC doit être durable dans son intégralité. Le sondage nous permet de conclure qu’une majorité des personnes sondées perdrait confiance dans le MSC si le certificat « durable » de cette pêcherie était renouvelé, malgré son activité de pêche sur DCP.
« Le MSC a désormais le monopole de la certification « pêche durable » et abuse complètement de sa position. Il est clair que le MSC, en certifiant seulement un pan de cette pêcherie, créerait une illusion de durabilité » explique Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM, qui ajoute par ailleurs : « la re-certification de cette pêcherie pose un risque majeur de crédibilité pour le MSC. Ce faisant, il confirmera qu’il est passé de moteur de transformation à partie du problème. C’est une honte. »
***
Lire l’article paru dans le Guardian : Consumers ‘betrayed’ over sustainability of world’s biggest tuna fishery.
Depuis janvier 2017, de nombreux acteurs se sont mobilisés contre la distinction arbitraire entre « banc libre » et « banc associé à un DCP », et plus généralement contre la séparation entre « durable » et « non durable » des pratiques d’une même pêcherie.
Ainsi, une première lettre portée par 21 signataires a été envoyée par BLOOM le 13 janvier 2017 pour demander au MSC d’organiser une consultation publique sur le sujet, de suspendre les évaluations en cours des pêcheries concernées, et de ne pas suspendre les certificats actuels jusqu’à ce qu’une décision soit prise.
Après une longue et âpre négociation, un atelier a finalement été organisé début juin par le MSC avec une quarantaine de parties prenantes (dont BLOOM). Suite à cet atelier, nos demandes n’ont pas été satisfaites, puisque le MSC s’obstine toujours à ne pas vouloir suspendre l’évaluation de la pêcherie de thon décrite ci-dessus, mais à simplement vouloir revoir — potentiellement — ses standards en 2019. Le MSC s’apprête d’ailleurs à lancer une nouvelle consultation — publique cette fois-ci — sur le sujet. Cette consultation devrait alimenter de futures décisions, certes, mais elle n’empêchera en aucun cas le renouvellement (pour une durée de cinq ans) de la pêcherie critiquée plus haut.
Après avoir essayé de négocier derrière le rideau pendant plus de huit mois, puis après n’avoir reçu aucune réponse des membres du conseil d’administration du MSC, il est temps de mettre ce problème sur le devant de la scène.
Depuis plusieurs années, BLOOM a identifié la prolifération des labels de « pêche durable » comme une barrière à l’évolution de la pêche vers des pratiques génératrices d’emplois, respectueuses de l’environnement, et éthiques. Nous avons contribué à des consultations publiques, co-signé des études scientifiques, déposé des objections contre des certifications douteuses.
Sur notre page sur les labels douteux, vous pourrez retrouver nos contributions ou encore en apprendre plus sur le MSC et ses pratiques peu durables.
Populus a interviewé un échantillon représentatif d’adultes britanniques de plus de 18 ans entre les 16 et 17 août 2017. Les données ont été pondérées pour être démographiquement représentatives. Populus est un membre fondateur du British Polling Council et respecte ses règles. Plus d’informations sur www.populus.co.uk.
[1] La senne tournante est un grand filet vertical servant à encercler les bancs de thons. Un système de coulisse permettant de fermer ce filet par le bas, l’intégralité du banc se retrouve piégée.
[2] Les dispositifs à concentration de poissons sont des radeaux flottants équipés de diverses structures telles que des bâches et filets servant à attirer les poissons. Ces dispositifs sont régulièrement critiqués pour capturer de nombreux juvéniles et des espèces accessoires parfois menacées, mais aussi pour créer un « piège écologique » entrainant les bancs de thons vers des zones océaniques moins adaptées à leur physiologie. La pêche thonière à la senne tournante autour de ces dispositifs représente aujourd’hui la majorité des cinq millions de tonnes de thons capturées chaque année, dont plus de la moitié des stocks sont en état de surpêche.
[3] Liste complète des membres : ONG (Animal Welfare Institute, BLOOM, Blue Marine Foundation, Blue Ventures, ClientEarth, David Suzuki Foundation, Ecology Action Centre, Fish Tales, Forest and Bird, Shark Project, The Island Conservation Society, Turtle Island Restoration Network), grande distribution (American Tuna, Migros, Ocean Harvesters Operative, Woolworths South Africa, World Wise Foods), personnalités publiques et politiques (Hugh Fearnley-Whittingstall, Kerry McCarthy, Richard Benyon, Zac Goldsmith), académiques (Pr. Callum Roberts, University of York ; Pr. Jennifer Jacquet, New York University ; Pr. Megan Bailey, Dalhousie University ; Pr. Michael Tlusty, University of Massachusetts ; Dr Thomas Appleby, University of the West of England).