Alors que des études dans divers pays de l’Union européenne ont révélé des taux de fraude à l’étiquetage parfois très élevés (32% de fraude en Italie, 30% rien que sur le merlu en Espagne, 19% sur le cabillaud en Irlande…), BLOOM s’est associée à Oceana, des chercheurs de l’INSERM et du Muséum national d’Histoire naturelle, et au magazine Terra eco pour mener une enquête inédite en France sur la fraude à l’étiquetage de poissons.
En 2014, pendant un an, dix régions ont été échantillonnées et près de 400 échantillons récoltés aux rayons frais des grandes surfaces, dans les poissonneries, les restaurants, dans les plats préparés et les produits surgelés.
Résultat : la substitution d’espèces en France demeure rare, avec un taux qui se situe à 3,5% (comparable au Royaume-Uni où le taux est de 6%).
Notre publication scientifique : Fish mislabelling in France: substitution rates and retail types
Si aucun cas de fraude n’a été détecté sur des espèces comme le colin d’Alaska, le bar, le lieu noir, la lotte et le merlan, le cabillaud, en revanche, était remplacé dans 4,2% des cas (6 échantillons sur 143) par de l’églefin ou du merlu, des espèces de valeur commerciale inférieure.
La fraude est en revanche très élevée en ce qui concerne une espèce emblématique : le thon rouge. Quatre des cinq échantillons (soit 80%) mentionnant « thon rouge » se sont ainsi avérés cacher une autre espèce de thon : du thon albacore ou du thon obèse, soit deux espèces d’une valeur commerciale inférieure. Le niveau de tromperie atteint 100% (16 cas sur 16) lorsque l’information sur l’espèce est demandée au serveur : si le menu n’indique rien de plus que « thon » et que le serveur répond à une demande de précision sur l’espèce en affirmant qu’il s’agit de thon rouge, sa réponse est certainement erronée.
Sur les 119 échantillons prélevés sur des produits surgelés et des plats préparés, aucun cas de fraude. En revanche, les problèmes surviennent avec le poisson frais vendu en filet : 8% des filets frais vendus en poissonnerie et 4% des filets vendus au rayon poissonnerie des supermarchés ne correspondent pas à l’étiquette. Au restaurant, la fraude à l’étiquetage intervient dans 4% des cas.
Le travail de séquençage génétique en laboratoire a été doublé d’une enquête de terrain menée par le magazine Terra eco qui a permis de remonter la filière du poisson et de comprendre d’où venaient les cas de fraude : celle-ci intervient surtout en bout de chaîne : les restaurateurs et poissonniers interrogés sous le sceau de l’anonymat ont avoué avoir sciemment remplacé les étiquettes ou les noms d’espèces.
On peut vendre du congelé pour du frais, du tacaud pour du merlan…
Une ancienne poissonnière
26 mai 2020
25 juin 2013