20 juin 2018
L’Ifremer, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, a publié le 20 juin 2018 une analyse de l’avis scientifique produit par le CIEM (Conseil international pour l’exploration de la mer) sur la pêche électrique. Cet avis a été élaboré suite à une demande spéciale des Pays-Bas en février 2018, après le vote du Parlement européen en faveur d’une interdiction totale et définitive de la pêche électrique. Cette demande, rédigée par le Comité consultatif du CIEM (ACOM), consistait à comparer « les effets écologiques et environnementaux des chaluts à impulsions électrique et des chaluts à perche traditionnels lors de l’exploitation du TAC de soles de la mer du Nord ». À la suite de cette question extrêmement étroite, le CIEM a conclu que « les chaluts à impulsions électriques ont moins d’incidences écologiques et environnementales que les chaluts à perche traditionnels lorsqu’ils exploitent le total admissible de captures (TAC) de la sole de la mer du Nord ».
BLOOM a produit une analyse critique de cet avis politiquement orienté par les Pays-Bas dans le but d’éviter une interdiction totale de la pêche électrique.
L’Ifremer rappelle dans son analyse que « cet avis du CIEM a été formulé en réponse à la question précise. Il n’est en aucun cas un avis sur l’utilisation du chalut à impulsion électrique en tant que tel ».
L’Ifremer souligne également le faible nombre d’observations et d’expériences sur lesquelles se fonde l’avis du CIEM : « Les données proviennent le plus souvent d’observations ou d’expérimentations peu nombreuses, tant pour l’engin chalut électrique que pour l’engin chalut à perche traditionnel ». L’Ifremer considère que l’approche de précaution, incluse dans un autre avis scientifique produit par le CIEM en 2016 mais qui ne figure pas dans celui-ci, est toujours valable. En 2016, le CIEM a conseillé « de ne pas généraliser à partir des résultats de la recherche menée à ce jour pour permettre l’expansion de l’utilisation du chalut à impulsions électriques en dehors de la zone actuelle et des pêcheries prévues dans la législation actuelle ».
L’Ifremer insiste sur le manque de connaissances concernant les impacts des courants électriques sur les écosystèmes marins, ainsi que les impacts « à moyen-long terme sur des phases critiques de la vie des poissons, notamment la reproduction (maturation sexuelle, gamétogenèse) et le développement embyo-larvaire (oeufs et larves). Comme le mentionne l’avis du CIEM, « il n’y a pas d’information disponible sur la survie du poisson aux premiers stades de sa vie après une exposition au courant électrique utilisé pour capturer les soles. » Malgré ce manque de connaissances et d’études, l’Ifremer souligne que le CIEM a présumé ces impacts comme étant faibles « Même en l’absence de connaissances précises, les impacts à l’échelle de la population sont actuellement supposés négligeables par le CIEM ».
Lire l’article publié dans le journal Le Monde sur la production dysfonctionnelle et biaisée de l’avis du CIEM sur la pêche électrique.
L’Ifremer souligne que l’impact de l’exposition répétée à la stimulation électrique n’a été abordé qu’indirectement « par le biais de la faible probabilité d’occurrence répétitive supposée sur la base d’un faible pourcentage de surface balayée à plusieurs reprises ». Cependant, nous tenons à souligner que ce calcul ne tient ni compte de la distribution des soles, ni des stades de vie critiques.
Enfin, l’Ifremer indique dans son analyse que les effets des courants électriques sur le fonctionnement des écosystèmes marins n’ont pas été suffisamment étudiés : « seules quelques observations qualitatives ont été réalisées, qui ne peuvent être généralisées ». Ainsi, le CIEM a fondé ses conclusions sur des inférences, et non sur des faits scientifiquement prouvés.
BLOOM partage le point de vue de l’Ifremer et le félicite de sa volonté d’apporter des éléments objectifs dans le débat sur la pêche électrique et sur le dernier avis du CIEM.
Lire notre dossier: « Main dans la main. La pêche électrique, un cas parfait de corruption morale »
Le 18 juin 2018, les ONG et les pêcheurs se sont unis contre la pêche électrique en Europe. Lire notre communiqué de presse
Voir les photos de la mobilisation du 18 juin des pêcheurs et des ONG en Europe