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16 février 2015

Fermer la Haute mer à la pêche bénéficierait aux nations maritimes mondiales et réduirait les inégalités observées entre pays développés et pays en développement dans la distribution des revenus de la pêche

Une récente étude scientifique publiée dans Nature démontre les bénéfices pour l’ensemble des nations maritimes d’une fermeture de la Haute mer aux navires de pêche.

L’Espagne et la France, fortement impliquées dans la pêche industrielle en dehors de leurs eaux territoriales, font partie du petit groupe de nations que cette mesure pourrait déranger. Cette étude intervient alors que se tiennent des discussions autour d’un accord international sur la gouvernance de la biodiversité marine en Haute mer, lancées en 2000 par les Nations Unies.

La revue Nature vient de publier une étude scientifique évaluant les conséquences possibles d’une fermeture de la pêche en Haute mer[1], suggérée lors de récents débats internationaux. La Haute mer regroupe en effet les zones de l’océan n’étant pas sous la juridiction d’Etats, soit une surface de plus de 50% de la planète. L’étude est réalisée par un consortium de scientifiques internationaux dont plusieurs sont spécialistes de l’observation de phénomènes halieutiques à grande échelle.

La pêche en Haute mer est une activité qui s’est développée en parallèle du déclin des stocks côtiers. En effet, au fur et à mesure que les stocks de poissons s’épuisaient, les navires des pays pêcheurs occidentaux ont dû, afin de maintenir leurs captures, se déplacer vers des zones de pêche plus au large et plus profondes[2]. L’innovation dans les technologies utilisées sur les navires; ainsi que l’allocation de subventions publiques à la pêche industrielle ont largement concouru à cette course vers le large.

Il avait déjà été suggéré que fermer la Haute mer à la pêche pourrait être bénéfique pour l’économie des nations maritimes, puisque globalement les pêcheries côtières sont mieux gérées que les pêcheries de Haute mer[3]. Dans l’étude qu’ils viennent de publier, Rashid Sumaila du Fisheries Center de l’université de Vancouver et ses co-auteurs ont calculé les impacts de la fermeture de la pêche en Haute mer sur la valeur et la quantité des captures mondiales; ainsi que les conséquences économiques par pays.

Ils ont commencé par calculer où se faisaient les captures dans le monde et ont montré que 67% des volumes de captures (moyenne calculée sur la période 2000-2010) concernaient des stocks migratoires, c’est à dire rencontrés dans les ZEE[4] et en haute mer. De plus, les chercheurs ont montré que les espèces uniquement capturées dans des ZEE représentent 33% des volumes débarqués; mais que les espèces pêchées en Haute mer exclusivement en représentaient moins de 0,1%.

Dans un deuxième temps les chercheurs ont examiné l’impact d’une fermeture de la pêche en Haute mer sur la disponibilité des ressources halieutiques pour les pays côtiers. Ils sont arrivés à la conclusion que le volume de captures mondial serait conservé à partir d’un volume de capture des stocks migrateurs qui augmenterait de 18% dans les ZEE. Cette estimation a été jugée très probable au regard de travaux d’autres scientifiques qui ont estimé que la fermeture de la pêche en Haute mer engendrerait une reconstitution des stocks côtiers comprise entre 10 et 70%[5].

Enfin, les auteurs concluent l’étude en calculant le coefficient de Gini[6] obtenu pour différents scénarios de reconstitution et montrent que la fermeture de la Haute mer reviendrait à diminuer de moitié les inégalités mondiales dans la distribution des bénéfices liés à la pêche.

Au vu de ces résultats, les auteurs suggèrent qu’une fermeture de la Haute mer à tous les navires de pêche du monde aurait des conséquences globalement positives pour les nations maritimes, et notamment pour les pays en développement puisque tous les scénarios envisagés, du plus précautionneux au plus optimiste, montrent une diminution des inégalités dans la distribution des bénéfices du secteur de la pêche.

Seuls dix pays verront la valeur de leurs captures diminuer… dont l’Espagne, (4ème pays réalisant les captures en Haute mer plus importantes) et la France (9ème)! La position politique des 10 pays débarquant le plus de poisson pêchés en Haute mer sera donc déterminante de l’avenir des pêches au niveau mondial.

Négociations pour un accord international sur la gouvernance de la biodiversité marine en Haute mer

Depuis le début des années 2000, les Etats discutent dans le cadre de différents forums, des enjeux liés à la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine située au delà de la juridiction nationale.[7]

Quelques uns des évènements récents sur le sujet:

  • Avril 2013: Conférence internationale sur « la haute mer, avenir de l’humanité », organisée au Conseil économique, social et environnemental (CESE), et lancement de l' »Appel de Paris pour la Haute mer » à l’initiative de la navigatrice Catherine Chabaud, membre de l’équipe des expéditions scientifiques Tara Océans.
  • Juin 2014: Pétition lancée par Pascal Lamy de la Commission Océan Mondial[8] et adressée au secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon; signée par plus de 280.000 personnes
  • Janvier 2015, Conférence des Nations unies sur la question de la haute mer[9]

L' »Alliance de la Haute mer » (High-Seas alliance) – rassemble 27 Organisations non-gouvernementales, ainsi que l’Union Internationale de Conservation de la Nature.[10]

 

[1]Sumaila et al. 2014 Winners and losers in a world where the high seas is closed to fishing. http://www.nature.com/srep/2015/150212/srep08481/pdf/srep08481.pdf

[2]Pauly D, Watson R, Alder, J. 2005. Global trends in world fisheries: impacts on marine ecosystems and food security. Philosophical transactions of the Royal Society doi:10.1098/rstb.2004.1574

[3]White, C. & Costello, C. Close the High Seas to Fishing? PLoS Biol 12, e1001826 (2014).

[4]Zones Economiques Exclusives: zones sous juridiction des Etats côtiers, qui s’étendent jusqu’à 200 milles nautiques (370km) de leurs côtes

[5]Ibid.

[6]Le coefficient de Gini est un indice qui sert à mesurer l’inégalité des revenus dans un pays. Il est compris entre 0 (égalité parfaite, tous les revenus sont identiques) et 100 (inégalité absolue, une seule personne concentre tous les revenus).

[7]Druel et al. 2013. De la possibilité d’un accord international sur la gouvernance de la biodiversité marine
dans les zones au-delà de la juridiction nationale http://www.iddri.org/Publications/Collections/Analyses/STUDY0713_gouvernance%20haute%20mer_FR.pdf

[8]https://www.change.org/p/ban-ki-moon-contribuez-à-assurer-un-océan-vivant-l-alimentation-et-la-prospérité-proposez-de-nouvelles-normes-pour-la-protection-de-la-Haute mer-2

[9]http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/01/24/a-l-onu-un-pas-important-pour-la-protection-de-la-Haute mer_4562879_3244.html

[10]http://highseasalliance.org

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