26 mars 2015
Lire l’étude Squalane
NB : la première version mise en ligne contenait deux interversions dans le tableau 2. Document mis à jour le 13 avril 2015.
L’association BLOOM vient de tester 72 crèmes pour la peau comportant la mention « squalane » sur leur étiquette. Cette mention ne précise pas si cette substance hydratante couramment utilisée en cosmétique est d’origine animale (huile de foie de requin) ou végétale (olive ou canne à sucre). Les résultats sont formels pour 62 de ces crèmes : une sur cinq contient du squalane de requin !
En Europe, trois marques sur les 32 testées utilisent du squalane de requin : IOMA, Méthode Swiss beauty care et Topicrem.[1] Aux États-Unis, un échantillon sur les 14 analysés présente du squalane animal dans sa composition (marque Bliss). En Asie enfin, c’est plus de la moitié des crèmes testées (8 sur 15) qui en contient ![2] Certaines de ces marques se livrent même à de la publicité mensongère : Méthode Swiss beauty care affirme, par exemple, que « tous [leurs] produits proviennent de la richesse des ressources naturelles des Alpes Suisses » alors que leur crème contient du squalane de requin, ne provenant vraisemblablement pas des Alpes Suisses !
« Soit les marques achètent du squalane animal, moins cher que le squalane végétal, pour réaliser une marge plus importante, soit elles sont trompées par leurs fournisseurs qui leur vendent du squalane mélangé en le faisant passer pour du squalane végétal pur« , explique Laure Ducos, principale auteure de l’étude. « Nous avons mis au point en 2010 une méthodologie fiable et facile à mettre en place permettant de tester l’origine du squalane »[3] explique cependant Patrick Jame, directeur adjoint du groupe de recherche de l’Institut des Sciences Analytiques associé à l’étude. Les entreprises peuvent aisément tester les lots de matière première qui leurs sont fournis et n’ont donc plus d’excuse pour justifier la présence de squalane animal dans leurs produits.
« On estime à trois millions le nombre de requins profonds tués chaque année pour répondre spécifiquement à la demande internationale en squalane.[4] Pour certains d’entre eux c’est près de 95% de la population qui a été décimée, explique Claire Nouvian, directrice de l’association BLOOM. En supprimant ces grands prédateurs, c’est toute la chaîne alimentaire marine que l’on déséquilibre. »
Face à l’urgence de la situation, la règlementation internationale évolue trop lentement. »Il n’est pas acceptable que l’on puisse encore trouver du squalane de requin dans certaines de nos crèmes, conclut Laure Ducos. Toutes les marques doivent nettoyer définitivement leurs lignes de production et tester le squalane végétal qu’elles achètent. Ce n’est qu’au prix de ces engagements que nous pouvons espérer enrayer le déclin préoccupant des populations de requins profonds. »
En 2012, BLOOM a publié une étude qui a démontré que la demande de squalane de requin par l’industrie cosmétique restait importante, malgré une tendance grandissante à utiliser du squalane végétal. « Nous avions alors prévenu les marques que nous les testerions d’ici deux ans afin de savoir si elles avaient éliminé le squalane animal de leurs lignes de production, explique Claire Nouvian, fondatrice de l’association BLOOM. Nos résultats montrent que les tendances de 2012 se confirment : alors qu’en Asie, plus d’un produit testé sur deux contient encore du squalane de requin, la plupart des crèmes occidentales, elles, n’en contiennent plus. »
[1] La marque IOMA possède des certificats attestant de l’origine végétale de leur squalane. Il se pourrait que le problème provienne de leur(s) fournisseur(s). En ce qui concerne Topicrem, la marque a stoppé l’utilisation de tout type de squalane en 2013 (la crème testée a été produite en 2012). En revanche, Méthode Swiss beauty care qui affirme que « Tous [ses] produits proviennent de la richesse des ressources naturelles des Alpes Suisses » n’a pas réagi depuis la publication de l’étude.
[2]Marques BRTC, Cyber colors, Dr. Ci: Labo, Haba, Just Beyond – Organature, Menard et Missha.
[3] S. Guibert, M. Batteau, P. Jame, T. Kuhn, 2013. Detection of Squalene and Squalane Origin with Flash Elemental Analyzer and Delta V Isotope Ratio Mass Spectrometer. Application note 30276, Thermo Fisher Scientific Inc.
[4] R. Chabrol, 2012. Le prix hideux de la beauté : une enquête sur le marché de l’huile de foie de requins profonds. BLOOM Association, Paris, France. 35 p.