21 novembre 2016
À l’occasion de la « Journée mondiale des pêcheurs artisans et des travailleurs de la mer », Le Transnational Institute, le World Forum of Fisher People et Afrika Kontakt ont publié un rapport intitulé « Droits humains vs Droits de propriété, mise en œuvre et interprétation des Directives sur la pêche artisanale ».
Ce rapport clarifie deux stratégies divergentes sur la prise en compte de la petite pêche au niveau mondial, suite aux premiers débats qui se sont tenus lors de la 32ème session du Comité des pêches du programme des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en juillet 2016. Son but : éclairer les futures prises de décision concernant l’avenir de la petite pêche dans le monde.
La première stratégie, basée sur des droits d’accès, s’inscrit dans la lignée des politiques néolibérales qui ont notamment abouti à l’émergence des « quotas individuels transférables« , dont la principale conséquence est la concentration des droits de pêches aux mains de quelques firmes, et donc, la disparition de la pêche artisanale.
La deuxième stratégie reflète au contraire une approche basée sur les droits humains. De tels droits sont par exemple revendiqués par le Comité International de Planification pour la Souveraineté Alimentaire ; groupe de travail incluant des représentants d’organisations de pêcheurs comme le World Forum of Fisher People (WFFP), le World Forum of Fish Harvesters and Fishworkers (WFF) et l’International Collective in Support of Fishworkers (ICSF).
Les Directives sur la pêche artisanale, publiées en 2015 par la FAO, ne s’accordent pas sur une définition de la pêche à petite échelle (« small-scale fishing » en anglais) et préfèrent en laisser la définition aux instances régionales, sous-régionales ou nationales afin que celle-ci puisse être formulée en fonction du contexte. Toutefois la FAO précise que ces directives s’appliquent aux groupes vulnérables et marginalisés comme les pêcheries de subsistence.
Dans sa règlementation sur le Fonds européen pour la pêche, le Conseil européen fait référence à la pêche à petite échelle comme étant celle pratiquée par des bateaux de moins de 12 mètres utilisant des « arts dormants » (c’est-à-dire des engins de pêche dans lesquels les poissons viennent se piéger d’eux-mêmes). C’est cette définition que BLOOM reprend pour définir la « pêche artisanale », en opposition avec la vision française de « tout navire de moins de 25m avec armateur embarqué », sans restriction liée à l’engin de pêche.
« Dans le secteur de la pêche, l’approche fondée sur les droits humains et l’approche fondée sur les droits représentent deux démarches très différentes, contradictoires en réalité. L’approche fondée sur les droits, qui privilégie la soi-disante « efficacité économique », a entraîné de nombreuses ruptures sociales dans les communautés d’artisans pêcheurs, tandis que l’approche fondée sur les droits humains a de profondes implications structurelles, politiques, matérielles et culturelles positives, à condition d’être pleinement mise en œuvre. À ce titre, l’approche fondée sur les droits humains dans la pêche est un outil essentiel dans la lutte pour la justice sociale et pour la souveraineté alimentaire.
Ces dernières années, l’approche fondée sur les droits dans le secteur de la pêche a connu un « renouveau ». En effet, elle nous est de plus en plus régulièrement décrite comme étant une solution qui profiterait à tous et qui répondrait à tous les besoins simultanément, autrement dit à ceux des communautés d’artisans pêcheurs, ceux de l’environnement et ceux du monde des affaires. Toutefois, derrière cette nouvelle rhétorique se cachent les mêmes politiques de privatisation dénoncées par les pêcheurs au moyen de l’expression « accaparement des mers ».
Concordant avec d’autres processus de gouvernance mondiale, la politique de la pêche au niveau international se caractérise par une gouvernance multilatérale, où des intérêts fondamentalement opposés sont passés sous silence dans l’attente que cette divergence se règle par un compromis, avant de réunir toutes les « parties prenantes » autour d’une même table. Il existe néanmoins une distinction fondamentale entre « parties prenantes » (qui ont des intérêts en jeu dans le processus) et « détenteurs de droits fondamentaux » (Pour ceux dont la réalisation de leurs droits humains est inextricablement liée à leurs droits aux zones de pêche définis de manière coutumière et sociale et/ ou pour ceux qui voient leurs droits humains affectés par les conflits). Pareilles distinctions doivent être respectées.
La poursuite de la justice sociale et de la souveraineté alimentaire exige des mouvements de pêcheurs et de leurs partenaires qu’ils :
mènent des activités de sensibilisation pour recentrer les débats politiques qui vilipendent et minent les droits des pêcheurs.
fassent pression, de manière tactique et stratégique, en faveur des droits humains dans les processus politiques de l’échelon local à l’échelon international, où la participation effective des pêcheurs est respectée.
insistent sur le renforcement des capacités, la formation politique et les activités éducatives pour soutenir la mobilisation et l’engagement des artisans pêcheurs autochtones. »