10 décembre 2015
La semaine prochaine peut s’avérer cruciale pour les grandes profondeurs océaniques. Il est possible que le Parlement européen, réuni à Strasbourg, aboutisse dans la négociation qu’il a entamée avec le Conseil de l’Union et la Commission européenne juste après que le Conseil a adopté sa position sur le règlement pêche profonde, le 6 novembre dernier.
Alors que le processus législatif a été, en ce qui concerne le règlement encadrant la pêche profonde, d’une lenteur légendaire (plus de TROIS ANS depuis la sortie de la proposition législative de la Commission européenne en juillet 2012 !), le Trilogue, s’il parvient à un accord politique la semaine prochaine à Strasbourg, aura été au contraire d’une rapidité phénoménale.
Conduit par l’eurodéputée socialiste Isabelle Thomas, rapporteur du règlement pêche profonde pour le Parlement, le trilogue doit arbitrer des points d’une importance capitale pour la préservation du milieu marin profond, particulièrement vulnérable aux perturbations humaines.
Le texte adopté par le Conseil propose d’interdire le chalutage profond au-delà de 800 mètres de profondeur alors que le texte adopté par le Parlement, il y a deux ans jour pour jour, a échoué à neuf voix d’adopter l’interdiction du chalutage profond au-delà de 600 mètres. Mais rappelez-vous, 18 députés, trompés par un ordre de vote modifié en dernière minute, avaient fait enregistrer une correction de vote en faveur de l’interdiction. Résultat : dans les archives du Parlement, le chalutage profond au-delà de 600 mètres a été adopté à 343 votes contre 330.
http://www.bloomassociation.org/decryptage-du-vote-sur-linterdiction-du-chalutage-profond/
Etant donné que :
1. La science recommande une interdiction au-delà de 600 mètres et non de 800,
2. L’acteur principal de la pêche profonde en Europe et presque unique en France, la flotte d’Intermarché, ne chalute plus au-delà de 800 mètres depuis un an déjà, du fait de l’accord passé avec BLOOM et les ONG,
3. La Commission européenne soutient l’interdiction de cette méthode de pêche destructrice et injustifiable (la Commission est même à l’origine du principe d’interdiction),
4. PLus incroyable encore, que le Conseil lui-même, sous impulsion de la Présidence luxembourgeoise, soutient l’interdiction au-delà de 800 mètres,
5. La France, grâce à la ministre Ségolène Royal, a ENFIN changé sa position pour soutenir l’interdiction du chalutage profond (inutile de rappeler qu’elle est du même parti que la rapporteur Isabelle Thomas),
6. Et évidemment, que l’interdiction de cette méthode de pêche ahurissante d’un point de vue écologique et écologique est demandée et attendue par plus de 300 chercheurs dans le monde et près de 900 000 citoyens
On peut estimer que le temps de l’évidence décrit par Arthur Schopenhauer est enfin arrivé pour l’interdiction du chalutage profond !
« Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence. » Arthur Schopenhauer.
Une interdiction à 800 mètres peut être considérée comme un très bon début, mais pas un aboutissement car les pertes restent lourdes pour la biodiversité entre 600 et 800 mètres.
En revanche, L’Espagne a réussi un tour de force au Conseil : elle a fait retirer les eaux internationales de la zone d’application du règlement. En somme, le règlement ne s’appliquerait plus qu’aux seules eaux européennes et plus du tout aux eaux internationales de l’Atlantique Nord-Est : les Espagnols pourraient ainsi tranquillement continuer à détruire les écosystèmes profonds de l’autre côté des frontières maritimes de l’Europe !
L’enjeu, de taille, pour la rapporteur Isabelle Thomas est donc de s’assurer que l’interdiction du chalutage profond est maintenue mais pas au prix de la volonté de la droite espagnole (le PPE) qui voudrait que le règlement ne s’applique plus qu’à l’Europe.
Suspense….
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