13 mai 2016
C’en est fini de l’imposture.
BLOOM avait mis en cause, dans une lettre ouverte au fonds doté par la grande distribution française, « France Filière Pêche », l’origine des financements et la probité scientifique du chercheur américain Ray Hilborn, venu en Europe du 27 avril au 4 mai pour pourfendre les supposés « mythes » de la surpêche.
BLOOM FAIT LE POINT : lire ici le vrai-faux de la surpêche
France Filière Pêche n’a évidemment pas répondu à notre demande de transparence, mais Greenpeace aux Etats-Unis s’en est chargé : l’ONG a obtenu l’intégralité des données de financement reçues par Ray Hilborn pour sa recherche universitaire. L’analyse des données montre que celui qui fait écho aux propos des industriels de la pêche est rémunéré par eux. Et sans doute à une échelle bien plus importante encore, étant donné que les montants perçus par M. Hilborn à titre de consultant privé ne sont pas révélés dans le cadre de la loi de transparence américaine.
Le Monde a eu accès aux données obtenues par Greenpeace et dénoncé, le 13 mai, la malhonnêteté intellectuelle du chercheur de l’Université de Washington à Seattle. A la lumière de ces révélations, BLOOM renouvelle à France Filière Pêche ses demandes d’éléments financiers exhaustifs pour que les médias, le public et les élus puissent connaître en toute transparence les intérêts motivant l’organisation de cette tournée de conférences auprès de nos décideurs publics.
Au-delà de l’hymne de la joie au prix du baril peu cher célébré d’une seule voix par des pêcheurs pratiquant le chalut de fond, un engin « traînant »[1] et donc dépendant d’un fioul bon marché pour équilibrer les comptes d’exploitation,[2] le « secteur » de la pêche s’est félicité dans les médias d’une embellie flagrante pour la pêche française. Ainsi, le JT de 20h sur France 2 clamait le 2 mai que « les pêcheurs sont unanimes : dans les caisses qu’ils débarquent chaque jour sur les quais, poissons et crustacés sont de retour. À foison », ou encore que la baisse du prix du carburant est une aubaine car elle va permettre la construction de nouveaux bateaux.[3] En parallèle, on pouvait aussi récemment lire dans Le Figaro et Le Marin que le chalut de fond était une technique « relativement durable », suite aux propos tenus par Ray Hilborn lors de sa tournée.
Que les médias français relaient ces informations sans en questionner les fondements scientifiques est problématique. La qualité des médias, des débats publics et des choix de gouvernance dépend d’un fact-checking sérieux des données provenant des filières professionnelles. Sinon, les médias s’exposent au risque de devenir des caisses de résonnance à la désinformation systématique des lobbies industriels, que BLOOM combat depuis des années.
La tournée de conférences de Ray Hilborn était l’occasion parfaite pour « l’armée du chalut » de se féliciter d’une situation soudainement formidable des ressources marines et de faire l’apologie du chalut de fond comme technique de pêche bien qu’elle soit largement critiquée pour son impact environnemental.
BLOOM FAIT LE POINT : lire ici le vrai-faux de la surpêche
Pour en savoir plus :
Notre lettre ouverte à France Filière Pêche
Notes :
[1] Les engins « traînants » sont tractés au fond de l’océan et donc non sélectifs : ils détruisent les habitats et capturent toutes les espèces qui passent à leur portée sans distinction. Pour une classification des engins de pêche selon leur impact environnement, voir notre infographie.
[2] Les téléspectateurs non-avertis en concluront à une « bonne nouvelle ». Cependant cette déclaration est révélatrice du principal problème du modèle de pêche français depuis l’après guerre : la dépendance chronique des pêcheurs au prix du carburant. Quand il est bas, tout va bien ; quand il est haut, les pêcheurs montent au créneau. Nicolas Sarkozy, chahuté à l’automne 2007 sur le port du Guilvinec, se souvient de ces périodes moins fastes… Par manque de courage politique, ces crises du carburant se sont à chaque fois soldées par l’allocation de programmes d’aides (voir le paragraphe « Qui se cache derrière ces prises de parole et l’organisation de cette tournée de conférences ? »). Ce type de subventions, attribué sans condition aucune (par exemple, changement vers des pratiques plus durables) a été maintes fois identifié comme le catalyseur économique de la surpêche. Le « testament » de Benoît Mesnil, chercheur à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), en est l’une des plus vibrantes études.
[3] Le reportage est disponible sur le site de France TV à partir de 28min 32s.