12 novembre 2019
Bruxelles, le 12 novembre 2019
Aujourd’hui, lors du premier vote majeur en Commission de la pêche du nouveau Parlement européen, les 28 députés membres de cette commission ont décidé de réouvrir les vannes de la surpêche en Europe.[1]
Avec 20 votes contre 6 (et 2 abstentions), ils confirment la position catastrophique adoptée par l’ancien Parlement en avril 2019.[2] Cette position permet, entre autres, la réintroduction des aides à la construction de nouveaux navires, alors qu’elles avaient été interdites en 2004 en raison de leur rôle direct dans la surcapacité et la surpêche en Europe.
«Depuis plus de vingt ans, tous les scientifiques s’échinent à dire que financer la construction de nouveaux navires revient à financer la surpêche. En dépit des engagements pris par l’Union européenne d’interdire ce type de subventions au niveau mondial d’ici 2020 dans le cadre des Objectifs de développement durable et alors que 69% des stocks européens de poisson sont toujours surpêchés [3], les eurodéputés relancent la machine infernale de la surpêche en Europe. C’est suicidaire ! » exprime Mathieu Colléter, Responsable des relations institutionnelles chez BLOOM.
Les 28 eurodéputés de la Commission de la pêche du Parlement européen avaient pourtant une occasion unique de revoir leur copie et de s’engager à respecter les engagements internationaux de l’Europe.[4] Or, comme souvent, un petit nombre d’eurodéputés n’a eu de cesse de satisfaire ses intérêts politiques et ceux des lobbies industriels au détriment de l’intérêt général.
«Malheureusement, la Commission de la pêche du Parlement a ignoré les alertes lancées par son propre Président, Chris Davies, et d’autres eurodéputés (comme Bernd Lange, Ska Keller et Christophe Hansen), mais également par les petits pêcheurs côtiers, les citoyens et les ONG environnementales leur demandant de ne pas réintroduire ce type d’aides », ajoute Flaminia Tacconi de l’ONG ClientEarth.
La suite du processus législatif s’annonce maintenant très compliquée pour les écosystèmes marins et les communautés côtières. Les deux codécideurs que sont le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (c’est-à-dire les Ministres en charge de la pêche des 28 États membres de l’Union européenne) vont maintenant entrer en négociations avec la Commission européenne — un processus appelé « Trilogue »,[5] — dans le but de trouver une position commune. Or, « la position du Conseil est encore pire que celle du Parlement » réagit Andrea Ripol, de l’ONG Seas At Risk. « Nous ferons en sorte que les citoyens exercent une pression politique pour préserver les écosystèmes marins et ceux qui en dépendent. Nous avons besoin d’écosystèmes marins sains pour faire face au changement climatique. Lutter contre la surpêche est bénéfique pour la société dans son ensemble, pas seulement pour les pêcheurs ».
Mathieu Colléter conclut : « Les eurodéputés qui ne voulaient pas revoir leur position se veulent rassurants en nous promettant que le processus de trilogue leur permettra d’obtenir une amélioration du texte. Ils peuvent être certains d’une chose : aux côtés des citoyens, nous nous en assurerons ! »
Si les deux réunions du trilogue prévues avant la fin de l’année ne démontrent aucun progrès considérable, les ONG environnementales BLOOM, ClientEarth et Seas At Risk demanderont à la Commission européenne de retirer sa proposition afin d’empêcher l’adoption d’une réglementation catastrophique.
Pour en savoir plus sur les enjeux de ce fonds, lisez notre document de plaidoyer
***Fin du communiqué***
Le vote de chaque député sera bientôt connu, car une procédure de vote nominal est requise pour ce type de vote. Nous serons donc en mesure de dire qui a trahi les engagements internationaux de l’Europe, ou qui a pris le parti de la protection des écosystèmes marins et des communautés côtières qui en dépendent.
[1] Les députés se prononçaient dans le cadre d’un vote-clef sur le dossier du prochain Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), qui décidera de l’allocation de plus de six milliards d’euros au secteur de la pêche entre 2021 et 2027.
[2] Lire notre analyse du vote du Parlement européen d’avril 2019 : www.bloomassociation.org/subventions-peche-vote-catastrophique.
[3] Froese et al. (2018) Status and rebuilding of European fisheries, Marine Policy 93159-170.
[4] Si le résultat du vote avait été différent, les 751 eurodéputés auraient refusé de commencer les négociations interinstitutionnelles et auraient été appelés à adopter une nouvelle position lors d’une « seconde lecture » du texte. Ce processus aurait alors permis de réintroduire une série d’amendements dans le but de respecter les engagements internationaux de l’Europe et de préserver les écosystèmes marins et les communautés côtières qui en dépendent.
[5] Le « Trilogue » réunit un nombre très restreint de représentants de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne et se déroule entièrement à huis clos, sans observateurs ni compte-rendu officiel des négociations. C’est dans cette opacité institutionnelle que va se jouer notamment l’avenir de la pêche.
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