22 septembre 2013
Il avait tout fait pour éviter que le sujet soit abordé, mais n’y est pas parvenu… Frédéric Cuvillier, Ministre délégué à la pêche, avait tenté tant que faire se peut que le dossier « pêche profonde » ne soit pas au menu de la Conférence environnementale.
Il en a pourtant tellement été question in fine, que Jean-Marc Ayrault a même abordé le sujet dans son discours de clôture du samedi 21 septembre. Ses mots précisément (pour une toute première fois, ce n’est pas si mal) : « Je suis favorable à ce que la France participe activement aux discussions communautaires pour mieux connaître et encadrer la pêche en eaux profondes ».
Il avait tout fait pour éviter que le sujet soit abordé, mais n’y est pas parvenu… Frédéric Cuvillier, Ministre délégué à la pêche, avait tenté tant que faire se peut que le dossier « pêche profonde » ne soit pas au menu de la Conférence environnementale. Il en a pourtant tellement été question in fine, que Jean-Marc Ayrault a même abordé le sujet dans son discours de clôture du samedi 21 septembre. Ses mots précisément (pour une toute première fois, ce n’est pas si mal) : « Je suis favorable à ce que la France participe activement aux discussions communautaires pour mieux connaître et encadrer la pêche en eaux profondes« .
La mouche du coche ont été quelques élus et les ONG unies : les Amis de la Terre, qui ont invité BLOOM à les représenter à la table ronde « Biodiversité marine » (et qui reçoivent ici tous nos remerciements), le WWF, Humanité et Biodiversité. Les eurodéputés Sandrine Bélier et Younous Omarjee ont également insisté pour que ce dossier soit traité avec l’ambition et le courage qu’il mérite. Sandrine Bélier a proposé un moratoire sur la pêche profonde, les ONG ont demandé que la position de la France soit déterminée en concertation avec les ONG.
Le débat entre Denis Ody du WWF, Bernard Labbat de Humanité et Biodiversité et Claire Nouvian au nom des Amis de la Terre a été houleux. Les ONG ont rappelé que la France bloquait le dossier au Conseil des Ministres européens et que les positions du cabinet de Cuvillier étaient identiques à celles des lobbies de la pêche industrielle. Les ONG ont également rappelé que le Ministre semblait honorer des intérêts électoraux locaux qui ne représentaient pas l’intérêt des Français. Parallèlement, le Directeur du WWF France faisait des remarques similaires dans la table ronde « Economie circulaire ».
Les ONG ont rappelé les questions essentielles qui se posent à propos des pêches profondes au chalut : elles ne représentent aucun enjeu d’emploi puisque seuls 9 navires sont concernés en France et qu’aucun ne fait plus de 40% de ses captures en espèces profondes. Elles sont extrêmement destructrices des espèces et des habitats marins et sont en outre subventionnées et déficitaires.
Le Ministre a botté en touche et s’est embrouillé les pinceaux en parlant de flottes profondes exemplaires qui étaient labélisées « MSC » (il ne connaît pas ses dossiers, comme on le savait déjà, voir la légendaire vidéo de son intervention à l’Assemblée nationale sur la pêche artisanale qui représente 80% des navires de pêche en France :http://www.plateforme-petite-peche.fr/?p=261).
La palme de l’ignorance des dossiers (ou de la mauvaise foi ?) revient toutefois à la députée européenne Isabelle Thomas (PS) qui a osé affirmer que les connaissances scientifiques à propos des espèces profondes étaient « extrêmement précises », ce qui a provoqué des rires dans la salle et même un haussement de sourcils de l’imperturbable modératrice, la chercheuse du CNRS Françoise Gaill.
C’est osé en effet, sachant que tous les rapports du CIEM et toutes les communications officielles de la Commission européenne à propos des espèces profondes martèlent systématiquement que les données scientifiques ne sont pas réunies pour permettre une évaluation fiable des stocks (voir les liens à ces documents ici :http://www.bloomassociation.org/fr/les-avis-scientifiques).
L’avis de la Commission européenne sur les opportunités de pêche pour les espèces profondes en 2013 et 2014 précise ceci : « À deux exceptions près seulement, les informations disponibles sur les stocks d’eau profonde visés par la présente proposition ne permettent pas aux scientifiques d’évaluer complètement l’état des stocks, que ce soit du point de vue de la taille de la population ou de la mortalité par pêche. »
http://ec.europa.eu/fisheries/cfp/fishing_rules/tacs/info/com_2012_579_fr.pdf
Des chercheurs du CIEM ont quant à eux alerté sur le fait que même dans ces deux cas précis (sabre noir et grenadier de roche), les données qui étaient utilisées pour estimer l’état des populations ne pouvaient pas être considérées fiables puisqu’il ne s’agissait que de données issues des navires de pêche, qui n’étaient corroborées par aucune donnée scientifique indépendante. Or par définition, les navires de pêche cherchent le poisson et ne fréquentent pas les zones qui en sont dépourvues, donc les données de captures peuvent être très biaisées, elles peuvent même masquer un effondrement imminent.
(Voir le rapport WKLIFE II, sections 4.3 et 4.4, page 37http://www.ices.dk/sites/pub/Publication%20Reports/Expert%20Group%20Report/acom/2012/WKLIFE/wklife2_2012.pdf)
Isabelle Thomas a ensuite enfoncé le clou en affirmant que les principales espèces profondes commerciales étaient « soit totalement au RMD (Rendement Maximum Durable) soit à proximité, y compris d’ailleurs les espèces accessoires » ! Cela faisait référence aux énormités que l’on trouve de fait dans un article sur le site Web de l’IFREMER (et nulle part ailleurs sauf dans la bouche du directeur de la flotte d’Intermarché et dans Ouest France qui lui donne la parole sans vérifier le sérieux de ses propos).
C’est désolant pour les nombreux chercheurs excellents de l’IFREMER dont le travail se trouve entaché par une sombre affaire politico-industrielle – et soi-disant – scientifique.
Explication de texte : la députée Isabelle Thomas a brandi un « dossier d’actualité » de l’Ifremer au statut bâtard, totalement infondé scientifiquement et qui ne pèse pas plus que n’importe quel blog sur le Web, sauf qu’en l’occurrence, c’est sur le site de l’Ifremer que cet article a été posté.
Ce document ne représente ni l’état des connaissances actuelles ni l’avis des chercheurs de l’Ifremer sur la pêche profonde au chalut, en revanche, on y trouve un certain nombre de déclarations parfaitement fausses d’un point de vue scientifique et qui ne survivraient pas une minute à la relecture d’une revue scientifique sérieuse. Notons d’ailleurs que l’IFREMER s’est bien gardé de traduire ce document compromettant, mais BLOOM s’en est chargé.
Voir l’actu de BLOOM à ce sujet : http://bloomassociation.org/actu-lifremer-et-la-peche-profonde
Jusqu’au bout, les cerbères du cabinet ministériel ont tenté de noyer le poisson profond et ont éliminé de la restitution finale les demandes des ONG à propos de la pêche profonde, bien que c’est à leur propos que les échanges avaient été les plus longs et les plus vifs.
Les ONG ont veillé au grain et nos demandes ont été réintégrées.
Parmi nos demandes : que les subventions publiques massives dont bénéficie le secteur de la pêche soient entièrement accessibles en toute transparence, et que les documents de la DPMA (Direction des Pêches du Ministère de la Pêche) soient consultables avec la même transparence.
Ce serait une avancée phénoménale pour un pays comme la France qui pratique une politique d’opacité la plus totale dans le domaine des flux financiers alloués au secteur de la pêche, bien qu’il s’agisse à 100% d’argent public.
Lire : Novethic – Pêche profonde : le gouvernement change de cap
Lire l’article en anglais : Outcome of the Environmental Conference