15 juillet 2021
Une nouvelle étude de BLOOM, publiée dans la revue scientifique Marine Policy, met en lumière une allocation massive et inégalitaire des aides COVID aux entreprises les plus puissantes du secteur et aux pratiques de pêche destructrices. Les résultats de cette publication illustrent le choix du gouvernement français d’ignorer les objectifs environnementaux et sociaux européens et de perpétuer une logique de financement du modèle de pêche industriel, au détriment de la protection de l’océan et de la petite pêche côtière.
En mars 2020, la Commission européenne lançait les Initiatives d’Investissement, un ensemble d’aides exceptionnelles visant à aider les acteurs économiques européens à faire face à la crise du COVID-19. En avril 2020, cela se traduisait par un arrêté du gouvernement français qui définissait les conditions d’obtention des aides aux arrêts temporaires pour le secteur de la pêche. BLOOM avait dénoncé des conditions discriminatoires et alerté qu’elles allaient garantir une allocation des aides aux plus gros armements et aux méthodes de pêche destructrices.
Ces critiques sont aujourd’hui confirmées par l’étude de BLOOM sur les aides COVID allouées en 2020. Il apparaît que 82,5% (soit 12,2 millions EUR) des subventions COVID ont été captés par des navires utilisant des méthodes de pêche destructrices (chaluts à panneaux, dragues, sennes). Un chiffre qui démontre à lui seul une utilisation aberrante des fonds publics du point de vue environnemental. Mais à cela vient s’ajouter une incohérence économique et sociale de taille : ces mêmes navires ne représentent que 22,1% de la flotte française. Une allocation totalement inégalitaire des aides confirmée par une donnée supplémentaire de l’étude : sept entreprises/groupes représentant uniquement 0,8% (53 navires) de la flotte française ont reçu 28,5% de l’ensemble des subventions. L’ Armement Porcher a ainsi touché 1 446 384 € pour 16 chalutiers.
“C’est un énième exemple du favoritisme éhonté du gouvernement envers une poignée d’acteurs qui détruit l’océan à coup de subventions publiques”, dénonce Valérie Le Brenne, co-autrice de l’étude et chercheuse chez BLOOM.
Les résultats de l’étude de BLOOM confirment donc que la France ne respecte en rien les engagements et objectifs visant à soutenir les communautés côtières à faible impact et à reconstruire des écosystèmes marins – y compris pendant la crise du COVID-19. La responsabilité du gouvernement est à cet égard pleinement engagée. Ainsi dès mars 2020, le gouvernement avait choisi de ne consulter que le Comité national des pêches, verrouillé par la pêche industrielle, et d’ignorer les demandes de la société civile quant aux conditions d’attribution des aides. L’arrêté qui s’en était suivi était un cadeau pour la pêche industrielle : aucun critère environnemental ou social pour accéder aux aides, une logique du “premier arrivé, premier servi” et en prime, aucun plafonnement quant aux montants pouvant être perçus pour les navires de plus de 12 mètres.
En outre, le gouvernement et l’administration française s’assurent que le financement de la pêche industrielle par les fonds publics se fasse à l’abri du regard de la société civile et de l’Union européenne. Ainsi, aucune analyse publique n’a été produite par le Ministère de l’agriculture et l’administration française quant à l’attribution réelle des aides COVID. Seules les données brutes indiquant les subventions nominatives par navire ont été rendues publiques, comme l’oblige la loi européenne. “Ce fonctionnement est la meilleure manière pour le gouvernement d’échapper à toute responsabilité et de masquer grossièrement derrière de grands discours d’intention une utilisation des fonds publics au service des industriels.” conclut Frédéric Le Manach, co-auteur de l’étude et directeur scientifique de BLOOM.