09 septembre 2020
Alors que les négociations sur le futur FEAMP (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, 2021-2027) doivent se poursuivre lors d’une nouvelle réunion de trilogue qui aura lieu d’ici la fin du mois de septembre, une étude parue dans la revue scientifique internationale ICES Journal of Marine Science — et dont BLOOM est co-auteur aux côtés de scientifiques de l’Université de Colombie-Britannique (Vancouver, Canada) — dresse un bilan plutôt positif (mais mitigé) des politiques de subvention à la pêche menées depuis vingt ans par l’Union européenne. Elle met cependant en garde contre un risque très réel de violent retour en arrière.
Dans cette étude, nous montrons que si des progrès ont effectivement été accomplis en matière de réduction des aides incitant à la surpêche, ceux-ci restent encore très insuffisants au regard de l’urgence à régler le problème de la surpêche dans les eaux européennes. La proportion de ces subventions néfastes est ainsi passée de 27% pour la période 2000-2006 à 22% pour la programmation 2014-2020.[1] Or, 38% des stocks de poissons sont toujours surexploités en Atlantique Nord-Est et 92% en Méditerranée.[2] Ce constat appelle donc à un renforcement de nos ambitions plutôt qu’à leur érosion.
Les efforts entrepris pour diminuer la part de ces subventions néfastes — c’est-à-dire celles qui augmentent la surcapacité de pêche et conduisant à une situation de surpêche — risquent en effet d’être réduits à peau de chagrin si le prochain fonds structurel dédié à la pêche ré-autorise les aides à la construction de bateaux, comme cela est malheureusement très bien parti. Des aides pourtant interdites par l’Union européenne depuis quinze ans, au regard de leur nocivité reconnue de manière unanime par les scientifiques du monde entier. Ce revirement majeur de l’Europe est d’autant plus inquiétant et confondant qu’il intervient à un moment crucial sur le plan international.
Les négociations conduites à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) sont en effet susceptibles d’aboutir à un accord multilatéral interdisant les subventions à la pêche néfastes, après près de vingt ans d’atermoiements. Or, l’Union européenne étant tout à la fois l’une des entités politiques accordant le plus d’aides au secteur (avec la Chine, les États-Unis, la Corée et le Japon) et un acteur-clef de ces négociations, tout retour en arrière dans sa propre politique intérieure enverrait un signal particulièrement négatif sur la scène internationale et mettrait en péril le processus très fragile engagé à l’OMC. Nous rappelons donc à l’Union européenne sa responsabilité majeure en tant qu’acteur ayant pris des engagements internationaux en matière de protection de l’océan. L’effondrement de l’ambition européenne signera le coup d’arrêt de toute ambition internationale.
[1] Pour ce faire, nous avons passé en revue les programmes d’aides dont a bénéficié le secteur de la pêche en Europe depuis 2000 en nous concentrant spécifiquement sur les dispositifs concernant les captures marines. En nous appuyant sur les données disponibles et en classant chaque mesure de soutien en fonction de ses effets (bénéfiques, néfastes ou ambigus), nous avons réussi à retracer l’évolution des subventions européennes à la pêche au cours des vingt dernières années. Ce travail inédit permet d’évaluer les améliorations qui sont intervenues tout en mesurant le chemin qu’il reste à parcourir pour atteindre les objectifs de durabilité que s’est fixés l’UE.
[2] Analyse de l’Association française d’halieutique disponible ici : https://halieutique.agrocampus-ouest.fr/files/fichiers/pdf/6598.pdf.