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16 avril 2018

Pêche électrique : seconde plainte de BLOOM contre les Pays-Bas

Aujourd’hui, BLOOM porte plainte pour la seconde fois contre les Pays-Bas, car cet État membre de l’Union européenne n’en respecte aucunement les règles.

Alors que la première plainte de BLOOM du 2 octobre 2017 auprès de la Commission européenne portait sur l’illégalité de la majorité des licences de pêche électrique accordées aux navires néerlandais, BLOOM interpelle aujourd’hui la Commission européenne à propos d’un manquement élémentaire du gouvernement néerlandais au droit européen : les Pays-Bas sont la seule nation de pêche importante en Europe à ne pas avoir publié les aides publiques qui ont été allouées à ses flottes entre 2007 et 2014.[1]

> Lire notre plainte en ligne

Toutes les grandes nations de pêche européennes se soumettent, avec plus ou moins de bonne volonté et de réactivité, à l’obligation[2] de rendre publiques les données concernant les bénéficiaires du Fonds européen pour la pêche (FEP), l‘instrument financier qui a alimenté en subventions publiques les flottes de pêche européennes pour la période allant de 2007 à 2014.

Sauf les Pays-Bas.

Pour BLOOM, cette opacité n’a rien de fortuit. « Les 84 licences que les Pays-Bas ont réussi à obtenir pour utiliser le courant électrique en mer ont été accordées entre 2007 et 2014 » constate Claire Nouvian, présidente de BLOOM et signataire de la plainte, « c’est-à-dire précisément la période pour laquelle les autorités néerlandaises ne se plient pas aux exigences réglementaires de transparence. »

Des millions d’euros seraient en jeu

« Il faut resituer le contexte » poursuit Claire Nouvian. « Les chalutiers traditionnels étaient en faillite à cause de leur consommation élevée de gasoil, et voilà qu’apparaît la solution à tous leurs problèmes : le courant électrique ! Les poissons sortent du sédiment comme du pop corn lorsqu’ils sont électrocutés. Les navires ont ainsi pu augmenter leur efficacité de pêche de façon radicale. En quelques années, on a assisté à une ruée vers l’or. Que ça détruise l’ensemble de l’écosystème et mette en faillite les pêcheurs artisans est le cadet des soucis des industriels. Ils ont obtenu non seulement un nombre de licences bien au-delà du cadre règlementaire (30% d’exemptions au lieu de 5%) mais tout indique que les tours de passe-passe des Néerlandais ne se sont pas arrêtés là. En requalifiant « d’innovante » la pêche électrique, considérée jusque-là par les textes de loi comme « destructrice », les Néerlandais ont également réussi à obtenir des millions d’euros d’aides publiques. »

Un scandale financier de grande ampleur

En utilisant les seules données publiques actuellement disponibles, c’est-à-dire les aides que les Pays-Bas ont allouées à partir de 2015,[1] BLOOM a déjà pu calculer que les navires néerlandais ont touché au minimum 5,7 millions d’euros de fonds publics. « Si depuis août 2015 uniquement, les Pays-Bas ont distribué près de 6 millions d’euros à leurs navires de pêche électrique alors que l’immense majorité des conversions se sont faites entre 2007 et 2014, ça laisse présager un scandale financier européen de grande ampleur, en plus du scandale écologique, social et politique que nous avons révélé sur ce dossier » déclarait Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM.

La chercheuse Laetitia Bisiaux, qui mène les investigations de BLOOM sur la pêche électrique, a réagi en insistant sur un autre aspect inacceptable du dossier : « Les dérogations accordées à la pêche électrique ne poursuivaient aucun objectif scientifique et n’ont eu d’autre finalité que le sauvetage d’une industrie destructrice et polluante. Les Pays-Bas doivent impérativement révéler aux citoyens européens combien d’argent public a été alloué à leurs navires pour la pêche électrique, que ce soit au titre de la supposée « recherche » qu’ils n’ont jamais faite ou pour équiper les bateaux. »

La complicité à peine masquée de la Commission européenne avec les Pays-Bas

La Commission européenne vient de répondre à la première plainte de BLOOM par le biais d’un courrier-type totalement insatisfaisant qui prouve que la Commission tente d’échapper à sa responsabilité politique. La Commission écrit, le 13 avril 2018, avoir transmis la plainte de BLOOM à « EU Pilot », un système qui permettrait « un échange informel d’informations entre la Commission et l’Etat membre concerné ». Selon Claire Nouvian, cette « pseudo-procédure » permet surtout de gagner du temps et d’éviter de lancer formellement une procédure d’infraction envers les Pays-Bas alors que la Commission disposait de 12 mois à partir du dépôt de plainte pour décider des suites à donner. « Lorsqu’au bout de six mois, la Commission nous répond qu’elle a transmis notre plainte vers un dispositif dont le but affiché est « d’éviter, si possible, le lancement d’une procédure d’infraction », l’institution qui est supposée être la « gardienne » du Traité de l’Union européenne, avoue quasiment publiquement son parti pris pour ceux qui piétinent le droit européen. C’est un acte de mépris pour les citoyens et pour la démocratie. Cette position de l’exécutif européen au moment des négociations de Trilogue qui doivent décider ou non l’interdiction de la pêche électrique en Europe est scandaleuse. »

Dans un courrier envoyé ce jour, BLOOM demande désormais à la Commission européenne d’agir de façon impartiale et de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour s’assurer que les Pays-Bas respectent les règles communautaires, qu’il s’agisse de l’application de la loi à propos du nombre de licences ou des règles de transparence financière sur l’usage des fonds publics européens.

Les négociations de « trilogue » entre les trois institutions européennes (Parlement, Commission et Conseil), qui décideront si la pêche électrique est bel et bien interdite en Europe, ont démarré en mars 2018. Pour rappel, le Parlement européen a voté le 16 janvier 2018 en faveur d’une interdiction de la pêche électrique, sans aucune exemption, à une très large majorité (402 voix contre 232).


[1] Le Fonds européen pour la pêche (FEP) couvrait initialement la période 2007-2013. Mais en réalité, celui-ci a couru jusqu’en 2016 et a chevauché la programmation suivante.

[2] « Il convient que les États membres publient chaque année, par voie électronique ou autre, la liste des bénéficiaires, l’intitulé des opérations et le montant du financement public alloué aux opérations« . Règlement (CE) n°498/2007. Disponible à : https://bit.ly/2JCJTo2.

[3] Le « FEAMP » (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche) est le nouveau programme européen de financement du secteur de la pêche et porte théoriquement sur la période 2014-2020.

Pour en savoir plus

Lire notre document « Electric ‘Pulse’ Fishing: Why It Should Be Banned »

Un historique de la campagne de BLOOM contre la pêche électrique

Lire notre communiqué du 8 janvier 2018 révélant que la Commission européenne a agi contre les avis scientifiques en accordant des exemptions pour pratiquer la pêche électrique

Sur la procédure de plainte 

La Commission européenne accusera réception de notre plainte dans un délai de 15 jours ouvrables, puis, dans les 12 mois qui suivent, elle examinera la plainte afin de décider s’il convient ou non d’engager une procédure formelle d’infraction contre les Pays-Bas

La première plainte de BLOOM en octobre 2017 portait sur les 70 licences illégales sur 84 accordées aux Pays-Bas pour pratiquer la pêche électrique depuis fin 2007.

L’historique des licences délivrées aux Pays-Bas

La pêche électrique est interdite en Europe depuis 1998 par le Règlement 850/98.

En 2007, les Pays-Bas bénéficient de 22 dérogations pour mener des expérimentations en Mer du Nord méridionale.

En décembre 2010, 20 licences supplémentaires sont octroyées aux Pays-Bas au titre de la recherche scientifique (article 43 du Règlement 850/98).

En 2014, les Pays-Bas exercent un lobbying féroce auprès de la Commission européenne et obtiennent 42 licences supplémentaires pour la mise en œuvre d’un ‘projet pilote’ pour étudier la sélectivité (article 14 du Règlement 1380/2013).

Sur les subventions perçues depuis août 2015

BLOOM a utilisé le fichier des bénéficiaires de l’actuel Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) pour calculer les montants que les chalutiers néerlandais ont perçu pour la conduite de supposés « recherches » et « projets pilotes » depuis 2015. Au moins 5,7 millions d’euros ont été engagés entre le 01/08/2015 et le 30/04/2017 pour le développement de la flotte industrielle de pêche électrique aux Pays-Bas, dont 3,8 millions d’euros de crédits européens (soit 67% du total) et 1,9 millions d’euros en contreparties nationales. Fichier disponible à : www.rvo.nl/sites/default/files/2017/05/20170430_Openbaarmaking_EFMZV_2_v1.csv

Le communiqué dans d’autres langues

En anglais

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