04 novembre 2013
Cet après-midi, les 25 membres de la Commission de la pêche du Parlement européen se prononceront au nom de plus de 500 millions d’Européens sur un règlement déterminant pour la sauvegarde des océans profonds en Europe et dans l’Atlantique Nord-Est. Ils ont notamment le pouvoir de décider si le texte sera voté en plénière par les 766 députés européens… Ou non.
Le règlement encadrant la pêche en eaux profondes vit sa première réforme décennale car cette activité n’est réglementée en Europe que depuis 2003. Le processus législatif aurait dû être simple, rapide et sans enjeux mais il symbolise désormais au contraire ce que la politique européenne peut mettre en scène de plus tortueux du point de vue de l’éthique et de l’exercice démocratique. La toute petite Commission de la pêche a en effet utilisé tous les jokers autorisés par les procédures légales pour menacer le règlement pêche profonde, cela en raison de la proposition d’interdiction par la Commission européenne du chalutage profond comme méthode de pêche.
Cette mesure concernerait principalement la dizaine de navires français utilisant le chalut de fond pour capturer des espèces profondes mais après avoir estimé perdre sur la réforme de la Politique Commune de la Pêche, les représentants de la pêche industrielle, notamment française, ont décidé de saborder ce règlement coûte que coûte.
Le Comité national des pêches français (le CNPMEM) s’est ainsi offert les services du cabinet de lobbying professionnel G Plus Europe, filiale du géant Omnicom, qui a orchestré la campagne des industriels et réussi à convaincre une majorité de députés (13) de déposer des amendements en leur faveur et allant contre le rapporteur socialiste Kriton Arsenis. Cette majorité de députés regroupe la droite européenne avec le concours toutefois de la députée socialiste Isabelle Thomas qui se trouve une fois de plus en porte-à-faux avec ses collègues socialistes européens.
Après avoir usé de multiples tactiques pour retarder le vote du règlement sur la pêche en eaux profondes et le rapprocher de la période fatale des élections européennes et du changement de Parlement, quels coups tordus les lobbyistes de G Plus Europe, un cabinet qui conseille également le gouvernement russe en communication, fait le lobbying de Gazprom, a été impliqué dans plusieurs scandales (Alexion notamment[1]) et suspendu du registre européen de la transparence, auront-ils imaginé pour faire dérailler le règlement ?
Le vote de cet après-midi permettra de voir si malgré leurs intérêts électoraux directs à satisfaire les demandes de la pêche industrielle (la plupart sont des élus du littoral), les députés sont tout de même capables de prendre au sérieux leur mission européenne de défense de l’intérêt général. C’est l’avenir des océans profonds qui est en jeu.
[1] http://www.rtl.be/info/belgique/societe/1000073/une-firme-pharmaceutique-a-choisi-le-petit-viktor-pour-faire-pression-sur-les-autorites
4 novembre 2013 – Metronews Paris 4 nov 13 Metronews mag